Le Journal de Montreal

Encore besoin de l’aide de l’État

L’avionneur québécois Bombardier veut développer des appareils moins polluants et ainsi assurer son avenir

- SYLVAIN LAROCQUE

Cinq ans après avoir obtenu des aides financière­s de 1,7 milliard $ de Québec et d’Ottawa, Bombardier demande à nouveau un soutien public, cette fois-ci pour un « ambitieux » projet visant à rendre ses avions moins polluants, a appris Le Journal.

« On a déjà soumis notre projet. On est en train d’en discuter avec [les gouverneme­nts], mais c’est un projet assez costaud parce qu’on est très ambitieux. Alors, il faut prendre le temps de le regarder comme il faut. Ça peut prendre plusieurs mois [pour] que tout le monde soit convaincu qu’on fait la bonne chose. Nous, on l’est. [...] Ce à quoi on est en train de réfléchir, c’est vraiment des percées technologi­ques qui mettraient notre organisati­on sur la carte pour le long terme », confie le PDG de Bombardier, Éric Martel.

Pour l’instant, il n’est pas question de développer des versions entièremen­t électrique­s des jets d’affaires de l’avionneur québécois.

« AMALGAME » DE TECHNOLOGI­ES

« Il va y avoir un amalgame de technologi­es, explique le dirigeant. Il ne faut pas que les gens pensent qu’il va y avoir un sauveur demain matin, une chose qui va faire que boom, les avions vont voler électrique, parce qu’on est quand même très loin d’un moteur complèteme­nt électrique pour les avions de notre catégorie. Si on parle d’un drone qui traverse le SaintLaure­nt, c’est une chose, mais si on veut traverser l’Atlantique avec huit ou quinze passagers, il n’y a pas encore de moteur ni de batterie qui existe pour ça. [...] Il faut rêver, mais il faut être réaliste en même temps. Mais on travaille sur des technologi­es qui pourraient générer des gains substantie­ls pour réduire [les émissions] d’un avion d’affaires. »

M. Martel se dit bien conscient de la côte que Bombardier a à remonter pour convaincre la population que le moment est déjà venu de donner un nouveau coup de pouce à l’entreprise.

Il y a deux semaines, Bombardier était le grand absent de l’annonce d’aides financière­s totalisant près de 700 millions $ d’Ottawa et de Québec dans le secteur aéronautiq­ue.

Les principaux bénéficiai­res sont la montréalai­se CAE (340 millions $) ainsi que les américaine­s Bell Textron (275 millions $) et Pratt & Whitney (70 millions $).

Les Québécois ont encore frais à la mémoire la somme de 1,3 milliard $ que le gouverneme­nt Couillard a versée à Bombardier en 2016 pour l’avion C Series – un investisse­ment qui ne vaut plus que 300 millions $.

De son côté, Ottawa a prêté 373 millions $ à Bombardier en 2017, dont 246 millions $ pour le jet de grand luxe Global 7500.

Il reste que Pratt est, et de loin, l’entreprise aéronautiq­ue qui a reçu le plus d’aide publique au Canada : environ 3,3 milliards $ depuis 1970, selon l’Institut Fraser.

« On a besoin d’un certain soutien [gouverneme­ntal] pour rester compétitif­s. Nos produits vont être bien trop chers si on est obligés de tout amortir nous-mêmes », fait valoir Éric Martel.

CONCURRENT­S SUBVENTION­NÉS

Il note que ses principaux concurrent­s, l’américaine Gulfstream et la française Dassault, bénéficien­t de juteux contrats militaires.

En attendant l’arrivée de nouvelles technologi­es, Bombardier fait la promotion du biocarbura­nt pour réduire les émissions des jets d’affaires, lesquels sont beaucoup plus polluants que les avions commerciau­x.

Le prix corsé de ce combustibl­e « vert », au moins 40 % plus cher que le kérosène, est toutefois un obstacle de taille.

Arrivé en poste en avril 2020, Éric Martel a vu le cours de l’action de Bombardier être multiplié par cinq depuis la fin octobre.

« Je suis vraiment satisfait d’où on se situe, mais il y a encore du travail à faire », dit-il.

 ?? PHOTO MARTIN ALARIE ?? Éric Martel, photograph­ié la semaine dernière dans l’usine montréalai­se de Bombardier où sont assemblés les jets d’affaires Challenger.
PHOTO MARTIN ALARIE Éric Martel, photograph­ié la semaine dernière dans l’usine montréalai­se de Bombardier où sont assemblés les jets d’affaires Challenger.

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