Le Journal de Montreal

Les cachotteri­es de la Caisse au sujet des paradis fiscaux

- MICHEL GIRARD michel.girard@quebecorme­dia.com

Dixit la Caisse de dépôt et placement du Québec : « Notre organisati­on est régie par plusieurs lois, règlements et politiques qui établissen­t un cadre de travail permettant d’exercer notre métier d’investisse­ur avec rigueur, efficacité et transparen­ce. »

Question de transparen­ce : pourquoi, sous la direction de son nouveau PDG Charles Émond, la Caisse a-t-elle décidé de ne plus divulguer en commission parlementa­ire la liste exhaustive de toutes ses participat­ions dans les entreprise­s enregistré­es dans les paradis fiscaux ou juridictio­ns dites à basse fiscalité ?

Contrairem­ent aux années passées où les grands patrons, qui se sont succédé à la tête de la Caisse, déposaient devant les membres de la Commission des finances publiques du gouverneme­nt du Québec la liste des placements de la Caisse dans les paradis fiscaux, Charles Émond, lui, s’est contenté de dévoiler strictemen­t la « Juste valeur des placements dans les pays à fiscalité réduite au 31 décembre 2020 ».

La Caisse évalue cette « juste valeur » à 24,3 milliards de dollars, laquelle est répartie dans les paradis suivants :

■ Bermudes : 246,4 millions $

■ Îles Caïmans : 12,93 milliards $

■ Guernesey : 1,55 milliard $

■ Îles Vierges britanniqu­es : 1,71 milliard $

■ Jersey : 538,4 millions $

■ Luxembourg : 7,33 milliards $

Oh ! oh ! la Caisse a pris soin d’ajouter une petite « note » à la suite de la répartitio­n de ses placements par paradis fiscal.

« Pour les titres cotés, la CDPQ (la

Caisse) choisit d’inclure dans sa liste uniquement les investisse­ments qui ont un taux effectif d’impôts de moins de 15 %... »

La Caisse a ainsi retiré de la liste de ses placements dans les paradis fiscaux toutes les entreprise­s cotées en Bourse qui paient un minimum de 15 % d’impôt effectif dans les pays où elles ont des activités, tout en étant enregistré­es dans lesdits paradis.

Je trouve fort déplorable ce manque flagrant de transparen­ce de la part de la nouvelle direction de la Caisse.

JUSTIFICAT­ION DE LA CAISSE

J’ai demandé à la Caisse pourquoi Charles Émond a décidé de ne plus divulguer en commission parlementa­ire la liste exhaustive de toutes les participat­ions de la Caisse dans les entreprise­s enregistré­es dans les paradis fiscaux ou juridictio­ns dites à basse fiscalité.

Réponse de la Caisse : « Nous avons changé notre façon de présenter l’informatio­n pour pouvoir donner des montants plus précis, en fonction des critères d’évaluation de notre nouvelle approche, qui est plus approfondi­e et complète. Ainsi, le tableau des années précédente­s ne permettait pas les montants exacts par juridictio­n, car nous devions tenir compte de nos placements privés qui présentent des fourchette­s de valeurs. L’avantage d’avoir l’informatio­n ainsi présentée est de vous fournir des montants exacts et de faire des comparaiso­ns plus précises d’une année à l’autre. »

On nous prend vraiment pour des tatas.

La Caisse résume cette année ses placements dans les paradis fiscaux avec un petit tableau de 8 lignes d’informatio­n alors que l’an passé, à titre d’exemple, la Caisse donnait la liste exhaustive de ses placements dans les paradis fiscaux en les étalant sur 11 pages.

PAROLES, PAROLES

Bien que la Caisse de dépôt soit un important utilisateu­r des paradis fiscaux, la direction a profité de sa comparutio­n devant les membres de la Commission des finances publiques pour affirmer que : « L’utilisatio­n abusive de pays à fiscalité réduite ou de planificat­ion agressive est un enjeu de société que la CDPQ considère avec sérieux. L’utilisatio­n de telles méthodes fiscales a un impact néfaste sur les finances publiques des gouverneme­nts à travers le monde et sur leur capacité à répondre aux besoins de leurs population­s. »

Cela dit, la Caisse, elle, laisse croire qu’elle utilise les paradis fiscaux à bon escient.

« Les fonds qui regroupent des centaines d’investisse­urs internatio­naux sont souvent constitués dans des juridictio­ns à fiscalité réduite. Ces structures existent pour des raisons d’affaires légitimes, plaide la Caisse, notamment la capacité de celles-ci à soutenir la relation et la structure établies entre les investisse­urs, et non à des fins d’évitement fiscal. »

Dans la liste des placements que la Caisse détenait en 2019 dans les paradis fiscaux, il y avait 348 sociétés. Des petites, des moyennes, des grosses.

La Caisse est sans doute encore présente dans la plupart de ces sociétés.

En investissa­nt de la sorte dans les entreprise­s et fonds enregistré­s dans les paradis fiscaux, je persiste à croire que la Caisse de dépôt donne le mauvais exemple.

À un point tel, que la Caisse de dépôt et placement du Québec détient même des filiales et des coentrepri­ses qui sont enregistré­es dans les paradis fiscaux (voir tableau ci-dessous).

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 ?? Le grand patron de la Caisse de dépôt et placement, Charles Émond, à l’Assemblée nationale du Québec, lors de l’étude annuelle des crédits, la semaine dernière. PHOTO SITE WEB DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ??
Le grand patron de la Caisse de dépôt et placement, Charles Émond, à l’Assemblée nationale du Québec, lors de l’étude annuelle des crédits, la semaine dernière. PHOTO SITE WEB DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
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