Le Journal de Montreal

La détresse pour paver la voie à la radicalisa­tion

Une clinique spécialisé­e reçoit plus d’appels sur ce phénomène

- ERIKA AUBIN

Le désespoir lié à la pandémie a fourni un terrain fertile à la radicalisa­tion violente, constate l’équipe de l’unique clinique de polarisati­on à Montréal, qui est plus sollicitée que jamais.

« Toute la société ressent une irritabili­té actuelleme­nt. Donc pour des personnes déjà très isolées et désespérée­s, la pandémie peut augmenter ce phénomène et les pousser de l’autre côté », explique la Dre Cécile Rousseau, responsabl­e de L’Équipe clinique de polarisati­on du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Ile-de-Montréal.

Le nombre d’appels faits à la clinique, fondée il y a cinq ans, a bondi d’environ 50 %, notamment en raison de la pandémie, estime-t-elle.

En regard de la crise sanitaire, les demandes d’aide viennent surtout de milieux de travail ou de personnes inquiètes pour un proche qui adhère à des théories du complot.

« Des gens vivent de la détresse et de la frustratio­n et vont chercher un bouc émissaire. Le fait de se constituer un ennemi et de pouvoir le “combattre”, ça leur redonne un sentiment de contrôle sur la situation », dit-elle pour expliquer l’adhésion croissante à ces théories.

La mission de cette clinique, située au CLSC de Parc-Extension, est d’intervenir auprès des victimes de la radicalisa­tion extrême.

DES FAMILLES ÉCLATENT

« C’est perturbant de voir à quel point cela peut faire éclater des familles présenteme­nt. Des gens perdent même leur travail. Ils se tournent vers les réseaux sociaux pour trouver une nouvelle communauté qui partage leurs croyances. Et c’est sans fin à cause des algorithme­s », poursuit-elle.

L’effloresce­nce autour des théories de la conspirati­on va diminuer après la pandémie, croit la pédopsychi­atre.

« Or, on voyait déjà une augmentati­on des acteurs solitaires, des tueurs de masse. Ces phénomènes sont inquiétant­s », ajoute la Dre Rousseau.

Elle souhaite que l’ensemble des services de santé soient davantage sensibilis­és à ce problème afin d’éviter que des personnes passent à l’action.

« On n’a pas de système de priorisati­on pour une personne homicidair­e. Ça fait que le risque qu’elle tombe entre deux chaises est plus grand. Il faut rapidement s’adresser à sa détresse pour la protéger ainsi que ses proches et l’ensemble de la société », insiste-t-elle.

En plus de celle à Montréal, quatre autres cliniques régionales de polarisati­on ont vu le jour à Québec, à Sherbrooke, à Gatineau et à Laval.

 ??  ?? CÉCILE ROUSSEAU CIUSSS Centre-Ouest
CÉCILE ROUSSEAU CIUSSS Centre-Ouest

Newspapers in French

Newspapers from Canada