La détresse pour paver la voie à la radicalisation
Une clinique spécialisée reçoit plus d’appels sur ce phénomène
Le désespoir lié à la pandémie a fourni un terrain fertile à la radicalisation violente, constate l’équipe de l’unique clinique de polarisation à Montréal, qui est plus sollicitée que jamais.
« Toute la société ressent une irritabilité actuellement. Donc pour des personnes déjà très isolées et désespérées, la pandémie peut augmenter ce phénomène et les pousser de l’autre côté », explique la Dre Cécile Rousseau, responsable de L’Équipe clinique de polarisation du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Ile-de-Montréal.
Le nombre d’appels faits à la clinique, fondée il y a cinq ans, a bondi d’environ 50 %, notamment en raison de la pandémie, estime-t-elle.
En regard de la crise sanitaire, les demandes d’aide viennent surtout de milieux de travail ou de personnes inquiètes pour un proche qui adhère à des théories du complot.
« Des gens vivent de la détresse et de la frustration et vont chercher un bouc émissaire. Le fait de se constituer un ennemi et de pouvoir le “combattre”, ça leur redonne un sentiment de contrôle sur la situation », dit-elle pour expliquer l’adhésion croissante à ces théories.
La mission de cette clinique, située au CLSC de Parc-Extension, est d’intervenir auprès des victimes de la radicalisation extrême.
DES FAMILLES ÉCLATENT
« C’est perturbant de voir à quel point cela peut faire éclater des familles présentement. Des gens perdent même leur travail. Ils se tournent vers les réseaux sociaux pour trouver une nouvelle communauté qui partage leurs croyances. Et c’est sans fin à cause des algorithmes », poursuit-elle.
L’efflorescence autour des théories de la conspiration va diminuer après la pandémie, croit la pédopsychiatre.
« Or, on voyait déjà une augmentation des acteurs solitaires, des tueurs de masse. Ces phénomènes sont inquiétants », ajoute la Dre Rousseau.
Elle souhaite que l’ensemble des services de santé soient davantage sensibilisés à ce problème afin d’éviter que des personnes passent à l’action.
« On n’a pas de système de priorisation pour une personne homicidaire. Ça fait que le risque qu’elle tombe entre deux chaises est plus grand. Il faut rapidement s’adresser à sa détresse pour la protéger ainsi que ses proches et l’ensemble de la société », insiste-t-elle.
En plus de celle à Montréal, quatre autres cliniques régionales de polarisation ont vu le jour à Québec, à Sherbrooke, à Gatineau et à Laval.