De nouveaux scandales
En entrevue, la ministre des Affaires municipales admet qu’il reste du travail à faire et promet de serrer la vis
Le Québec n’est pas à l’abri d’une deuxième commission Charbonneau et ce n’est certainement pas le moment de baisser la garde, préviennent des acteurs clés du milieu municipal.
Si plusieurs élus fautifs se sont fait pincer au cours des dernières années, il n’en demeure pas moins que les outils de surveillance mis en place depuis la Commission sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (CEIC), aussi connue sous le nom de commission Charbonneau, sont loin de fonctionner à plein rendement (voir ci-contre).
« La Commission nous a démontré qu’on pouvait avoir les plus belles lois inimaginables, mais que si on n’a personne pour les appliquer, ça ne donne pas grand-chose », résume l’ancien procureur de la CEIC et ex-inspecteur général de Montréal, Denis Gallant.
Ce dernier plaide d’ailleurs pour que toutes les grandes villes du Québec soient dotées d’un inspecteur général ayant de larges pouvoirs d’enquête au niveau des contractants, sous-contractants, fonctionnaires, mais aussi des élus.
STRATAGÈMES PLUS RAFFINÉS
Les comportements des corrupteurs se sont raffinés au cours des dernières années, comme le rapportait le commissaire de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), Frédérick Gaudreau, dans le cadre de son bilan annuel au début du mois. « C’est plus caché que c’était auparavant », a-t-il déclaré.
La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, reconnaît d’ailleurs que Québec ne peut s’asseoir sur ses lauriers en matière de lutte à la corruption et qu’il reste encore beaucoup de travail à faire.
Des 60 recommandations du rapport de la commission Charbonneau, 32 visaient le milieu municipal, et de ce nombre, 25 ont été réellement appliquées depuis 2015.
La ministre Laforest promet de « terminer le travail qui avait été commencé » avec la CEIC grâce au projet de loi 49, qu’elle espère pouvoir faire adopter d’ici les prochaines élections municipales, en novembre 2021.
Ce projet de loi vise notamment à corriger certaines lacunes, en donnant par exemple plus de pouvoirs à la Commission municipale du Québec (CMQ), qui peut actuellement sanctionner des élus uniquement s’ils enfreignent le code d’éthique de leur ville. On chercherait aussi à imposer désormais des pénalités financières.
« Quand je suis arrivée en poste, c’est certain que j’ai trouvé ça particulier. Je me suis pas gênée non plus de vérifier certains dossiers qui étaient problématiques depuis des années et des années. On n’osait pas agir avec certaines municipalités », a indiqué la ministre Laforest, qui a mis la Ville de Chambly sous tutelle en février 2019.
LES PIRES ENDROITS
« Mon souhait, c’est qu’après l’adoption du projet de loi 49, avec l’élargissement des pouvoirs de la CMQ et du Commissaire à l’intégrité municipale et aux enquêtes (CIME), on n’ait plus besoin d’envoyer les enquêtes à l’UPAC et qu’on sauve tout le temps [d’enquête] qui est long avec l’UPAC », poursuit la ministre.
Mais ces efforts louables laissent encore des trous dans la surveillance du monde municipal, fait remarquer Danielle Pilette spécialiste en gestion municipale qui enseigne à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
« Ce projet répond à ce qu’on a vu de pire au cours des dernières années, mais ça ne résout pas tous les problèmes. [...] On ne s’attaque pas aux pires endroits à risque pour la corruption et la collusion, comme la proximité entre les élus et les promoteurs immobiliers, les changements de zonage, l’octroi de permis, etc. ».