Les espions canadiens inquiets
La haine n’a pas attendu Donald Trump pour croître, au Canada comme ailleurs dans le monde, préviennent sociologues et économistes. Il s’agit plutôt d’une tendance lourde qui a débuté il y a 10 ans et qui ne cesse de croître, au point d’inquiéter les espions canadiens.
Pour la première fois, en juin 2019, le Canada a inscrit deux de ces groupes sur sa liste des organisations terroristes.
« Nous sommes de plus en plus préoccupés par le nombre d’extrémistes d’extrême droite, des gens qui invoquent un certain nombre de philosophies et d’approches différentes comme le nationalisme blanc, l’ethnonationalisme et la suprématie blanche », a déclaré le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, David Vigneault, au Sénat en avril 2019.
« De là à attribuer tout ça à Trump, c’est aller un peu vite », prévient l’anthropologue Denise Helly, de l’Institut national de la recherche scientifique.
INÉGALITÉS
Elle explique que le président est plutôt le produit du même terreau que celui de l’extrême droite : la croissance des inégalités.
Au Canada, alors qu’en 1980, les plus aisés, représentant 1 % de la population, détenaient 8,9 % du revenu national brut, ils en accaparaient 13,6 % en 2010, d’après le Laboratoire sur les inégalités mondiales, qui s’inquiète de la montée des tensions globales.
Bien qu’il fasse mieux que les ÉtatsUnis pour mitiger les inégalités, le Canada ne fait guère mieux que la Pologne et la Grèce. Ainsi, la classe moyenne s’effrite, et le ressentiment grimpe chez ceux qui n’acceptent pas leur perte d’acquis et de privilèges, indique Mme Helly.
Quand s’ajoutent à cela un discours public anti-immigrants et anti-minorités qui banalise la haine et une pandémie qui exacerbe les tensions, on obtient un cocktail explosif, note la chercheure.
TRUDEAU DÉTESTÉ
En septembre, « un individu ayant des liens apparents avec une certaine montée inquiétante de néonazisme » a ainsi poignardé à mort un homme devant une mosquée de Toronto, s’inquiète une vaste coalition de défense des droits de la personne dans une lettre adressée au premier ministre le 8 octobre.
Vingt-cinq organisations, dont Amnistie internationale, y pressent le gouvernement d’agir pour « démanteler les groupes suprémacistes blancs et néonazis ».
Justin Trudeau lui-même est la cible de menaces répétées de l’extrême droite, pour laquelle il représente l’antithèse de Trump, l’élite cosmopolite honnie des conspirationnistes, indique la criminologue Barbara Perry.