Le 51e État
Je n’ai pas connu l’effervescence du référendum de 1980.
Mais j’ai grandi dans la foulée du climat social que celui-ci a créé, de cette réflexion incessante qui reléguait aux oubliettes ou presque bon nombre de débats.
Ainsi, j’étais un jeune ado de 14 ans lors du deuxième épisode de la saga référendaire québécoise.
J’étais conscient qu’une question importante était débattue, mais j’étais résolument davantage intéressé par le hockey, le baseball et les filles que par la politique.
1995
J’aime raconter cette anecdote qui fut le déclencheur de mon intérêt pour la politique à l’époque du deuxième référendum.
Comme tous les autres jeunes, je barbouillais régulièrement les pages de mon agenda.
Pour la journée du 31 octobre 1995, j’avais dessiné un immense « Souveraineté du Québec ? », avec une case Oui, et une case Non. Et j’avais inscrit un gros crochet dans le oui.
C’était dans l’air du temps, et les jeunes « cool » étaient tous souverainistes.
Puis ma soeur aînée, alors impliquée auprès des jeunes libéraux du Québec, avait fouiné dans mon agenda. Diantre. La colère !
« Tu vas m’enlever ça tout de suite, as-tu compris ? » Ne badinant pas avec l’autorité de soeurette, j’ai rapidement dégainé le liquide correcteur et corrigé la situation, en me disant que je comprendrais un jour pourquoi je devais penser ainsi.
Dans les mois qui suivirent, le sujet demeurait brûlant d’actualité malgré le deuxième revers des souverainistes.
Entre deux entraînements de baseball, je me souviens avoir eu maille à partir avec mon ami Nicolas Martin, fervent indépendantiste. On s’entend qu’à ce moment-là, mon sac à arguments était plutôt limité.
Soudainement me vint un éclair de génie : de toute manière, si le Québec devient indépendant, on va se faire ramasser par les États-Unis dans le temps de le dire, pis on va devenir le 51e État américain. Oui monsieur !
Je repense à cela aujourd’hui, et je me dis que ce sophisme, que j’ai utilisé pendant quelques années de jeunesse mal informée, était particulièrement tiré par les cheveux.
BOULE DE CRISTAL
TRUDEAU
N’empêche que la réalité, c’est que nul ne peut savoir ce qui se serait produit si les choses avaient été différentes en 1980, ou en 1995.
C’est facile de jouer à Nostradamus. De regarder le passé avec la lorgnette de ce jour. Nous serions mieux, diront certains. Nous l’avons échappé belle, diront d’autres.
Il m’est avis que le modèle actuel ne nous a pas trop mal servis. À preuve, le projet de pays est plus que jamais sur la glace.
L’est-il pour toujours ? Rien n’est moins certain, quand on regarde le fossé qui semble toujours s’accentuer entre le Québec et le reste du Canada.
C’est bien de savoir d’où on vient. Mais comme je dis toujours à mes amis souverainistes, il faudra arrêter de ressasser le passé. Construire sur les réussites à venir plutôt que sur l’aigrissement de jadis.
Ainsi peut-être vous parviendrez à persuader les plus sceptiques. Même ceux qui ont pensé un jour que le Québec pays deviendrait inévitablement le 51e État américain !
La réalité, c’est que nul ne peut savoir ce qui se serait produit si les choses avaient été différentes.