Un grand timide surdoué
Craig Rivet se souvient de l’arrivée d’Andreï Markov avec le Tricolore
Andreï Markov a accroché ses patins à l’âge vénérable de 41 ans. Il était un jeune blanc-bec qui ne s’était jamais vraiment éloigné de sa Russie natale lorsqu’il s’est amené en Amérique du Nord. Rapidement jumelé à la recrue, Craig Rivet l’a pris sous son aile pour s’assurer du plein épanouissement de ce talent brut.
Il faut se rappeler qu’à l’époque, au début des années 2000, le hockey de la LNH était beaucoup moins scientifique qu’aujourd’hui. En plus de l’accrochage qui était omniprésent, le jeu robuste et les hommes forts avaient toujours la cote. Le volet intimidation était encore bien en vogue.
« Je me suis rapidement rendu compte que ça le rendait nerveux. Je lui ai dit : ‘‘Ne t’inquiète pas. Fais ce que tu as à faire et je serai toujours là, juste à côté, prêt à te défendre.’’ Je voulais qu’il sache qu’il pouvait avoir son style sans se faire intimider par ceux qui voulaient lui faire peur », a raconté Rivet, alors âgé de 26 ans, dans une généreuse entrevue offerte à l’auteur de ces lignes, hier.
Rivet, qui anime aujourd’hui une émission sur les ondes d’une radio sportive de Buffalo, ignore si c’est cette initiative qui lui a permis de se rapprocher de Markov, mais il soutient qu’ils se sont toujours bien entendus.
Évidemment, bien s’entendre avec Markov ne signifie pas s’investir dans une discussion philosophique ou dans un grand débat d’idées. Sa réputation d’être introverti n’est pas née par hasard.
« Nous avons été coéquipiers pendant huit saisons. J’ai été son partenaire à la défense pendant six d’entre elles. Malgré tout, je ne pense pas qu’on ait déjà tenu une longue discussion, a-t-il lancé dans un éclat de rire. Il était silencieux, mais il me parlait beaucoup plus qu’à n’importe qui d’autre.
« Et au fil des saisons, on a su gagner le respect de l’autre », a-t-il pris soin d’ajouter.
S.O.S. PETROV
De nos jours, la grande majorité des joueurs russes s’amènent en Amérique du Nord avec un bagage suffisamment décent en anglais pour être en mesure d’assimiler les directives et de se faire comprendre. Du moins, pour ce qui est du langage de hockey. Toutefois, au tournant du nouveau millénaire, c’était loin d’être le cas. Rivet s’en est rapidement rendu compte.
« Il ne connaissait rien de l’anglais. Pas facile de communiquer avec ton partenaire lorsqu’il ne comprend pas ta langue, a raconté Rivet. Quand je voulais lui expliquer quelque chose, j’essayais de le faire en faisant des signes avec mes mains. »
La stratégie ne fonctionnait pas toujours. Dans ces cas précis ou lorsqu’il était impératif que la recrue saisisse la stratégie ou le correctif à apporter, Rivet optait pour une autre solution.
« Quand ça ne marchait pas, on faisait venir Oleg Petrov à notre extrémité du banc. En plein milieu du match, Oleg pouvait quitter sa place dans le groupe des attaquants pour venir nous servir d’interprète », a expliqué Rivet, toujours incrédule devant cette situation.
Les statistiques offensives de Markov le placent parmi les plus grands défenseurs de l’histoire du Canadien. Il a été le quart-arrière de cette formation pendant la grande majorité de ses 16 saisons sous les couleurs bleu, blanc et rouge.
ASPECT OUBLIÉ
Rivet, qui a également joué pour les Sharks, les Sabres et les Blue Jackets, estime que l’aisance de son coéquipier à mener l’attaque a amené les partisans et les observateurs à oublier une autre facette du jeu dans laquelle il savait également se démarquer.
« C’est le meilleur défenseur offensif avec lequel j’ai joué. Mais c’est également le meilleur défenseur défensif avec lequel j’ai joué, a stipulé Rivet. En raison des nombreux points qu’il accumulait, tout le monde voyait ses talents offensifs. Toutefois, en le regardant jouer sur une base quotidienne, tu te rendais compte que son jeu défensif était tout aussi solide. C’est incroyable combien il était bon défensivement. »
À ce propos, P.K. Subban a émis un commentaire similaire sur son compte Instagram, hier matin.
« C’est un des meilleurs défenseurs à avoir pratiqué ce sport. Il pouvait défendre son territoire et arrêter le meilleur des meilleurs. Et quand il était temps de marquer un gros but en avantage numérique ou de mettre la table pour ses coéquipiers, il savait le faire de façon impressionnante », a décrit l’arrière des Devils.
Voilà qui s’inscrit dans la définition d’un défenseur complet.