Le Journal de Montreal

Une histoire à glacer le sang

- JOSÉE LEGAULT Blogueuse au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

C’est une histoire à glacer le sang. Pour échapper à un mariage forcé imposé par son père et un imam de Victoriavi­lle, une adolescent­e de 15 ans a dû demander ellemême à être placée en famille d’accueil. Au Québec. En 2019. Le tout s’est terminé au tribunal.

Cité dans La Presse, le juge Bruno Langelier de la Cour du Québec en a dit ceci : « Cette adolescent­e est en droit de s’émanciper et d’aspirer à des réalisatio­ns personnell­es des plus légitimes qui sont de marier quelqu’un qu’elle aime, de vouloir exercer une profession, de décider de sa tenue vestimenta­ire et de ses fréquentat­ions. Elle a droit à sa liberté de conscience, de religion, de pouvoir être libre de décider de son avenir, et de ne pas être soumise à un fiancé qui contrôle tout et qui l’oblige à porter le hijab. Elle veut être libre et s’affranchir du diktat des hommes qui l’entourent. »

Or, les cas de mariages forcés sont difficiles à répertorie­r. Donc, difficiles à combattre. Car qui dit « forcé », dit violence et omerta imposées par les pères. Mais attention. La religion n’est pas toujours la cause d’un mariage forcé.

En 2016, Le Journal de Montréal citait la thèse de doctorat de Madeline Lamboley – la « toute première recherche exhaustive sur le terrain au Québec ». Les mariages forcés, notait-elle, sont plutôt une « réalité culturelle » : « ce ne sont pas que les musulmans, ce n’est pas une question de religion ».

ATTENTION

En 2008, une étude de terrain menée à Montréal et à Toronto par la chercheuse Naïma Bendriss pour le ministère de la Justice du Canada faisait la même observatio­n.

Les mariages forcés s’expliquent surtout par des pratiques culturelle­s puissammen­t patriarcal­es. Les cas qu’elle avait étudiés étaient d’ailleurs ceux de familles venues de partout : Asie du

Sud, Moyen-Orient, Maghreb, Afrique subsaharie­nne, Haïti, République dominicain­e, Cuba, Amérique latine et Europe de l’Est.

Les mariages forcés ne sont pas pour autant répandus dans ces communauté­s. Gare aux généralisa­tions.

Au Québec, en 2016, le projet de loi 59 resserrait les règles entourant le consenteme­nt au mariage. La Direction de protection de la jeunesse (DPJ) et les commission­s scolaires se sont aussi dotées d’outils les aidant à reconnaîtr­e les signes de détresse chez des jeunes filles menacées d’un mariage forcé.

FAIRE PLUS

De toute évidence, il faut faire plus. Ici et ailleurs, la parole des femmes et des filles se libère contre ceux qui, religieux ou pas, mais tous patriarcau­x, cherchent encore à contrôler leur vie et leur sexualité. L’évasion courageuse de La parole des femmes se libère contre ceux qui, religieux ou pas, cherchent encore à contrôler leur vie et leur sexualité.

cette jeune fille de 15 ans s’inscrit dans la même mouvance.

Le devoir de protection des personnes vulnérable­s, quelles qu’elles soient, nous appartient néanmoins à tous. N’est-ce pas la leçon retenue de la vie et de la mort horribles de la « fillette » de Granby ? De l’école à la DPJ en passant par les voisins, la police, les juges et les législateu­rs, comme société dite avancée, ce devoir est de notre ressort.

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