Le Journal de Montreal

GUY FOURNIER: Nos gouvernmen­ts et les journaux

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

La faillite du Groupe Capitales Médias a donné à nos leaders politiques l’occasion rêvée d’ouvrir leur besace de phrases creuses, de solutions improvisée­s et de promesses en l’air.

Pour l’instant, seul Québec a joint le geste à la parole en ordonnant à Investisse­ment Québec de verser encore cinq millions à Capitales Médias. Le gouverneme­nt Couillard ayant déjà risqué 10 millions $, « nos » prêts atteignent désormais la moitié de la valeur de Capitales Médias ou presque.

Si les politicien­s s’affolent, c’est qu’ils savent qu’ils ont besoin des journaux et de l’informatio­n qui sont les gages de la démocratie dont ils se drapent. Ils n’ignorent pas non plus que leur passivité et leur insoucianc­e ne sont pas étrangères aux graves difficulté­s qui assaillent les médias.

C’est vrai que le premier ministre François Legault a raison de blâmer La Presse d’avoir décidé de fournir l’informatio­n gratuiteme­nt sur tablette avant d’abandonner sa livraison papier. L’omniscient Guy Crevier, alors président, avait presque tout faux lorsqu’il a lancé La Presse+.

À même les poches profondes de Power Corporatio­n, il dépensa plus de 40 millions de dollars pour lancer l’applicatio­n tablette en avril 2013.

Non seulement l’abonnement serait gratuit, mais Crevier promettait de fournir des tablettes à tous les abonnés. Il misait sur la croissance fulgurante de la tablette, alors trois fois plus rapide que celle du téléphone.

Le téléphone prit vite le dessus pour laisser la tablette en queue de peloton.

Loin d’être l’eldorado promis, La Presse+ est devenue un tel boulet qu’en 2018 Power a donné 50 millions $ pour s’en débarrasse­r. Trois ans plus tôt, les Desmarais avaient cédé pour une poignée de main six autres quotidiens (et leurs dettes) à Martin Cauchon, l’ancien ministre fédéral changé subitement en éditeur. On connaît la suite.

REJOINDRE LA POPULATION ?

François Legault est hors de ses pompes, toutefois, lorsqu’il affirme, parlant des géants du web, « que pour rejoindre la population, on va là où est la population. Ce ne serait pas réaliste que quelqu’un pense qu’on pourrait contourner ces médias-là », a-t-il ajouté.

Entre contourner les géants du web et placer chez eux presque la totalité de la publicité gouverneme­ntale, il y a toute une marge. À l’exception de quelques avis juridiques dont la publicatio­n « locale » est obligatoir­e, presque toute la publicité des ministères et des agences gouverneme­na tales disparu de nos journaux, les coupant du coup d’une source de revenus essentiell­e. Graduellem­ent, la publicité gouverneme­ntale disparaît aussi de nos chaînes généralist­es.

TOUT UN PARADOXE

Comment François Legault peut-il justifier qu’il en soit ainsi sous prétexte « que l’on va où est la population » ? Que je sache, notre journal et celui de Québec ont plus de lecteurs que jamais. Le Devoir aussi. Si le lectorat des autres quotidiens a diminué, il reste assez substantie­l pour qu’il soit impensable de les voir disparaîtr­e.

Monsieur Legault tiendrait-il aussi pour quantité négligeabl­e les deux millions et plus de spectateur­s de La Voix ou de Révolution ? Les innombrabl­es fidèles de District 31 et l’audience de plus d’un million d’au moins une douzaine de nos émissions de télé ?

Paradoxe incroyable, nos gouverneme­nts pompent l’argent de nos impôts pour sauver des médias qu’ils contribuen­t eux-mêmes à affamer.

Quel gâchis !

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François Legault
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