Le Journal de Montreal

DOCS EN DÉTRESSE

Un phenomene qui inquiete de plus en plus dans le monde de la sante

- Le Bureau du coroner tient des statistiqu­es sur les décès des policiers, des pompiers et des agents de sécurité, mais n’en tient pas concernant les médecins.

En juillet dernier, un jeune père de famille urgentolog­ue de Terrebonne s’est enlevé la vie. Le décès de Maxime Carbonneau Girouard, 33 ans, a plongé plusieurs de ses collègues dans un profond émoi. Il est l’un des derniers d’une série de 12 suicides survenus en trois ans dans la profession médicale, une série noire qui inquiète dans le milieu.

Si le débat sur le salaire des médecins québécois a fait couler beaucoup d’encre au cours des derniers mois, on ne peut en dire autant de la problémati­que du suicide qui touche ces mêmes médecins.

« C’est un sujet tabou au sein du milieu médical. C’est presque une honte », dit un médecin dont la collègue s’est enlevé la vie en avril dernier, à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska de Victoriavi­lle.

Les chiffres donnent raison à ce profession­nel de la santé. Entre 1992 et 2009, une étude avait permis de dénombrer 36 suicides de médecins au Québec, soit une moyenne d’environ deux par année.

ÇA SE DÉGRADE

Mais c’est devenu pire. Entre 2016 et 2018, le Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ) en a dénombré une douzaine (six en 2016, deux en 2017 et quatre l’an dernier). Sans compter que certains décès ont pu passer sous le radar puisqu’ils ne font pas l’objet d’une recension officielle.

Au cours des six derniers mois, notre Bureau d’enquête s’est penché sur le phénomène en s’intéressan­t aux cas de sept médecins qui se sont enlevé la vie depuis 2014.

Nous avons consulté les rapports de coroner et nous avons pu nous entretenir avec des proches de ces médecins (à lire en pages 34 à 37).

Pour certains, la douleur était encore trop vive pour s’ouvrir sur le sujet. D’autres ont souhaité s’exprimer dans l’espoir d’éviter d’autres drames.

« Elle voulait que son cri de détresse soit entendu », dit de sa collègue le médecin de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska, qui a demandé à conserver l’anonymat par respect pour ses proches.

La réorganisa­tion du réseau qui avait augmenté sa tâche de façon importante la frustrait au plus haut point.

« Elle s’est mise à augmenter sa productivi­té, à couper sur ses vacances, à venir le samedi », poursuit-il.

Puis, un matin, elle ne s’est pas présentée au travail. On l’a retrouvée morte chez elle.

STRESS INTENSE

Les problèmes familiaux, l’impact des enquêtes profession­nelles, les erreurs médicales et les troubles de santé mentale sont d’autres facteurs qui peuvent mener au suicide des médecins, selon l’une des rares études sur le sujet faites au Québec (voir l’entrevue en page 37). Selon plusieurs témoignage­s, les médecins vivaient également d’importants stress liés à leur travail.

De plus, ils sont souvent réticents à consulter pour eux-mêmes, surtout lorsqu’il s’agit de problèmes de santé mentale.

« Il y en a qui ne veulent pas que la situation soit connue pour ne pas nuire à leur travail », dit la Dre Sandra Roman, l’un des deux coauteurs de l’étude.

Selon une étude menée par le Dr Pierre Gagné, 70 % des médecins qui se sont suicidés avaient eu des troubles de l’humeur majeurs, surtout des symptômes dépressifs.

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