Six millions d’Américains privés de droit de vote
Dans plusieurs États, les repris de justice perdent leurs droits électoraux
LOS ANGELES | (AFP) Six millions d’Américains, souvent Noirs, d’origine hispanique ou issus de milieux défavorisés, ne pourront pas voter le 6 novembre prochain : de nombreux États retirent leurs droits civiques aux personnes condamnées, privant de facto d’un important vivier électoral le Parti démocrate qui cherche à conquérir le Congrès.
« C’est un dispositif assez unique en son genre », affirme Sean Morales-Doyle, expert du Brennan Center for Justice, l’une des nombreuses ONG qui fait campagne pour la réforme du système.
Le système est d’autant plus antidémocratique à leurs yeux que les règles en la matière « varient énormément d’un bout à l’autre du pays », qui compte la plus importante population carcérale au monde (2,1 millions), explique M. Morales-Doyle.
CONFUSION
Le Maine et le Vermont sont les deux seuls États où un repris de justice ne perd jamais ses droits électoraux. À l’inverse, « vous êtes interdit de vote à vie si vous êtes condamné pour un quelconque crime dans trois États : l’Iowa, le Kentucky et la Floride », souligne le juriste.
Et par « crime », le législateur n’entend pas toujours meurtre ou viol. En Floride, l’un des États considérés comme ayant la législation la plus dure, cette catégorie englobe aussi le vol de voiture ou la possession de drogue dure.
Alors que des condamnés réinsérés depuis des dizaines d’années sont toujours privés de droit de vote à certains endroits, dans d’autres des prisonniers peuvent déposer un bulletin dans l’urne. C’est le cas en Californie, où petits délinquants et détenus en attente de jugement pourront élire leurs représentants au Congrès, et même voter contre le shérif qui les a arrêtés. Sauf que la plupart d’entre eux l’ignorent.
« Toutes ces différences créent une vraie confusion. Le citoyen lambda ne sait pas à quoi s’en tenir » et, dans le doute, préfère généralement s’abstenir, déplore M. Morales-Doyle.
À l’inverse, certains exercent à tort leur droit de vote, et s’en mordent les doigts. Crystal Mason, 43 ans, en liberté surveillée après une fraude fiscale, a commis l’erreur de voter en 2016 sans savoir que le code électoral du Texas l’en empêchait. Elle a été condamnée à 5 ans de prison.
Beaucoup des condamnés privés de leurs droits électoraux sont d’origine « hispanique » ou Noirs (un sur treize).
Surreprésentés dans le système pénal, les « Noirs américains en âge de voter ont quatre fois plus de risque d’être privés de droit de vote que le reste de la population », relève l’ONG Sentencing Project.