Pierre Karl Péladeau sert une mise en garde aux élus
QUÉBEC | La volonté de transformer La Presse en OBNL est un « subterfuge » qui permettra à Power Corporation de se départir du quotidien à peu de frais après un « échec patent », estime le président de Québecor, Pierre Karl Péladeau.
« Est-ce que les parlementaires sont véritablement prêts à donner un chèque en blanc [...] pour que Power [Corporation] paie (50 millions $) pour se débarrasser de La Presse? », a-t-il demandé hier à la commission parlementaire chargée d’étudier le projet de loi qui permettra au quotidien montréalais de changer de mains.
« À LA SAUVETTE »
Pierre Karl Péladeau a notamment dénoncé le fait que la pièce législative soit étudiée « à la sauvette » en une seule journée d’audiences parlementaires hier. Selon lui, les élus ne savent pas si le nouveau modèle d’affaires permettra au quotidien de survivre, puisque Power Corporation n’a pas dévoilé les états financiers de La Presse.
Il a souligné que les 50 millions $ proposés par Power Corporation pour assurer la transition de La Presse en organisme à but non lucratif (OBNL) ne représentent que 89 000 $ par employé. Or, quand le quotidien a fermé ses presses, les employés ont reçu cinq ans de salaire.
« Si les mêmes hypothèses étaient retenues dans le cas présent, ce n’est pas 50 millions $ que ça coûterait à La Presse, c’est 275 [millions $] », déclare le patron de Québecor, notamment propriétaire du Journal.
« Alors, vous comprenez que se débarrasser de La Presse pour 50 millions $, c’est une très bonne affaire pour les actionnaires de Power [Corporation] et la famille Desmarais », a ajouté Pierre Karl Péladeau.
Pour ce dernier, le changement de statut demandé par La Presse est le résultat de mauvaises décisions. « Nous sommes obligés de constater que La Presse, c’est un échec patent, affirme-t-il. Et c’est une illustration de l’incompétence de la direction. »
En conséquence, ses dirigeants demandent maintenant « aux contribuables et aux citoyens de prendre la place des actionnaires de Power Corporation pour financer les pertes d’exploitation de ce média », selon le patron de Québecor, qui dit y voir une possible « concurrence déloyale ».
INDÉPENDANCE
Il pense que le nouveau modèle d’affaires de La Presse, qui comptera notamment sur des dons et de l’aide gouvernementale, pourrait mettre à mal l’indépendance du média.
« Parce que si Bell Canada donne 100 000 $ ou 200 000 $ à La Presse, pensez-vous que les journalistes — qui font en général un très bon travail — vont être aussi attentifs à dénoncer les pratiques de Bell Canada en matière de télécommunication ? », a-t-il souligné.