Travailler sans être payés
Être fonctionnaire, dans mon cas, est un choix de carrière que j’ai fait, car j’avais besoin de m’investir dans une cause plus grande que « faire de l’argent ». Être fonctionnaire au sein d’un ministère fédéral qui a pour mission de rendre un service utile à la population, ça m’inspire. C’est donc avec dévouement que je m’investis quotidiennement dans mon travail. Jour après jour, je donne le meilleur de moi-même à mes concitoyens, comme des milliers d’autres collègues.
Les croyances populaires du « fonctionnaire gras dur » perdurent toutefois encore dans l’opinion publique. Comme fonctionnaire, on se fait dire souvent combien on profite du système et que ce sont « mes impôts » qui paient « ton » salaire !
Justement, parlons-en de « mon salaire » ! Ne parlons même pas des prochaines négociations. Parlons juste de « mon salaire ». Celui que mon employeur devrait me verser et ne me verse pas. Celui dont je dépends pour vivre, pour nourrir mes enfants, pour participer à l’économie. Celui qui m’est dû, car j’ai fourni un travail honnête.
« UN FONCTIONNAIRE, ÇA FAIT PAS PITIÉ ! »
Depuis plus de deux ans maintenant, plusieurs dizaines de milliers d’employés comme moi vivent les conséquences de l’implantation d’un système de paie. Depuis plus de deux ans maintenant, ce grand drame collectif se vit dans l’indifférence presque totale. Pourquoi ? Parce que ce sont des fonctionnaires qui ne sont pas payés ! Et des fonctionnaires, c’est bien connu, ça vit « gras dur » ! L’opinion publique ne s’insurge surtout pas que d’honnêtes travailleurs ne reçoivent pas le salaire qui leur est dû. Au mieux, on se dit : « Ça n’a pas d’allure ! » Et on détourne les yeux.
Les fonctionnaires, c’est du monde ordinaire qui a des comptes à payer : l’épicerie, l’école, le logement, le compte d’Hydro. Cet humain n’a pas de passe-droits parce qu’il est fonctionnaire. À l’épicerie, je dois payer comme les autres ! Les faits sont réels : des fonctionnaires ont fait faillite, ont perdu leur maison, ont dû nourrir leurs enfants avec des paniers-partage, en plus de vivre un stress poussant à la maladie et à des séparations conjugales, ainsi que le refus d’occuper d’autres fonctions à la hauteur de leurs compétences afin de ne pas créer de problèmes supplémentaires. Des vrais problèmes vécus par du vrai monde. Et c’est très loin d’être fini : plus de 600 000 transactions sont toujours en attente de traitement ! On ne voit pas le bout du tunnel !
UNE RESPONSABILITÉ QUI NOUS APPARTIENT À TOUS
À ce moment-ci de la crise Phénix, il serait faux de prétendre que la seule responsabilité revient aux gouvernements, passés ou présents. Collectivement, nous faillons à notre devoir collectif de soutenir nos travailleurs. En tant que société moderne, nous devrions exiger que la situation se règle mieux et plus rapidement. Notre histoire démontre que chaque fois que nous avons été solidaires, nous avons fait bouger les choses. Dans tous les domaines. Nous avons « changé le monde ». Nous avons répondu « présents ». Pourquoi, aujourd’hui, sommesnous absents ?
Personnellement, je suis déçue. Déçue que mes concitoyens me laissent tomber. Déçue qu’on banalise la détresse de tous ces humains sous prétexte qu’ils sont fonctionnaires, et donc « gras dur » !
Mais je suis fière de mes collègues fonctionnaires. Qui malgré tout continuent de rentrer au travail jour après jour au nom de la mission de leur organisation, pour servir nos concitoyens.
Ne doutez plus jamais du dévouement de votre fonction publique : ses travailleurs entrent travailler… sans être payés ! Vos impôts, sachez-le, ne paient plus tant mon salaire… ils paient un total échec !