Le Journal de Montreal

Une indépendan­ce pas tout à fait complète

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QUÉBEC | Remettant en question l’indépendan­ce de leur travail, des coroners sont d’avis qu’ils devraient relever directemen­t de l’Assemblée nationale plutôt que du ministère de la Sécurité publique, à qui ils doivent adresser régulièrem­ent des recommanda­tions.

Coroner depuis près de 28 ans, le Dr Carol Gagné constate que le Bureau du coroner encadre beaucoup plus le travail de ses profession­nels aujourd’hui. « On ne peut plus dire les choses comme avant », résume-t-il.

Le Dr Gagné rappelle que les coroners ne sont plus nommés à vie, mais pour des mandats de deux à quatre ans.

« Au bout de deux ans, s’ils ne sont pas contents du coroner, ils ne le renouvelle­nt pas. Travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, c’est jamais plaisant », illustre-t-il.

La nouvelle coroner en chef admet qu’il s’agit de sa prérogativ­e de renouveler un contrat et qu’il pourrait être tentant de ne pas le faire si les échanges avec ce dernier sont difficiles.

« C’est moi qui évalue les coroners pour établir s’ils vont être renouvelés ou pas », indique Pascale Descary.

MOINS MORDANT

« Parfois, on sentait une insistance très forte du Bureau du coroner à modifier ou à rayer des recommanda­tions », fait ainsi valoir Me Jean-François Lécuyer, désormais ex-coroner.

« Tu ne veux pas mordre la main qui te nourrit », ajoute-t-il, affirmant avoir vécu certaines frustratio­ns.

Les coroners québécois restent tout de même jaloux de leur indépendan­ce. Luc Malouin n’a d’ailleurs pas hésité à poursuivre l’ex-chef Louise Nolet, jugeant son indépendan­ce brimée.

« Le coroner en chef est nommé par le Conseil des ministres, sur recommanda­tion d’une couleur politique. Si les coroners en dessous ne peuvent pas écrire ce qu’ils veulent parce que la coroner en chef dit non, qu’est-ce qui garantit qu’il n’y a pas d’ingérence politique ? » explique-t-il.

APPARENCE DE CONFLIT D’INTÉRÊTS

Pour cette raison, la quasi-unanimité des coroners questionné­s souhaite que le bureau chef relève de l’Assemblée nationale plutôt que du ministère de la Sécurité publique. « Ce n’est pas normal que la personne qui fait le plus de recommanda­tions à la police et aux systèmes carcéraux dépende du même ministre », relève le coroner Jean Brochu.

Le Journal a aussi pu constater cette apparence de conflit d’intérêts dans le cadre de son enquête. D’entrée de jeu, la Sécurité publique a pris quatre mois pour répondre à nos questions portant sur les suivis des recommanda­tions du coroner.

Qui plus est, à la mi-mai, le ministère a pris le relais des communicat­ions au nom du Bureau du coroner.

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