Le Journal de Montreal

Agresseur… et gagnant d’un concours d’écriture

Les organisate­urs ne publieront plus les noms des prisonnier­s

- DOMINIQUE SCALI

Les organisate­urs d’un concours d’écriture ont décidé de revoir leurs règles après avoir réalisé qu’un texte sacré gagnant était signé par un agresseur qui a violé et séquestré une femme pendant 24 heures.

« Je pris la résolution d’être grand et fort pour ne jamais plus manquer de lumière », peut-on lire dans le texte gagnant de l’édition 2017 du concours Ma plus belle histoire.

L’auteur est Patrick Lévesque Paquette, qui a plaidé coupable à 17 chefs d’accusation pour avoir enlevé, agressé et séquestré une Montréalai­se en 2015. L’histoire d’horreur vécue par la victime a même fait l’objet d’un livre paru il y a deux semaines.

Dès cette année, l’identité des auteurs incarcérés n’apparaîtra plus dans le recueil final afin d’éviter qu’une telle situation se reproduise et de ne plus courir le risque de heurter de potentiell­es victimes, indique la Fédération des syndicats enseignant­s (FSE), qui organise le concours.

Chaque année, 50 textes d’étudiants à l’éducation aux adultes, dont plusieurs en milieu carcéral, sont couronnés. Le recueil est ensuite publié à 5000 exemplaire­s. Le gagnant hérite d’une somme de 200 $, dit la vice-présidente Sylvie Théberge.

« On juge les textes, et non les personnes », souligne-t-elle.

Dans le texte de deux pages intitulé Déchaîné, de Lévesque Paquette, le narrateur se décrit comme un arbre ayant poussé malgré un feu de forêt.

Le recueil de 2017 était déjà publié quand les antécédent­s de l’auteur gagnant ont été portés à l’attention du comité. De plus, les gagnants sont sélectionn­és par des bénévoles qui reçoivent des textes anonymes. Jusqu’à l’an passé, tous les noms apparaissa­ient toutefois dans le recueil.

« SENSIBLE »

Retirer le nom des auteurs incarcérés dans les futurs recueils est une mesure « sensible à ce que peuvent vivre les victimes », félicite Stéphanie Tremblay du Regroupeme­nt québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.

« C’est extrêmemen­t confrontan­t pour elles de voir l’agresseur récompensé alors qu’elles-mêmes continuent de vivre des obstacles au quotidien. »

C’est pourquoi la décision de cacher les noms des criminels dans le recueil est bonne, mais peut-être pas complèteme­nt suffisante, selon Mme Tremblay. « Socialemen­t, c’est questionna­ble [de les glorifier]. »

Au contraire, la FSE a pris une décision équilibrée qui permet de souligner les efforts de réhabilita­tion que font certains détenus, croit Jici Lauzon, porte-parole du concours.

« Apprendre à s’exprimer plutôt que de tout casser, c’est un plus pour la société », résume-t-il.

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PATRICK LÉVESQUE PAQUETTE Agresseur

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