Le Journal de Montreal

Une réforme qui ne plaît à personne

Le gouverneme­nt Trudeau souhaite un meilleur contrôle au pays avec son projet de loi

- GUILLAUME ST-PIERRE

OTTAWA | Trop timide pour les uns et inutile pour les autres. La très attendue réforme du gouverneme­nt Trudeau pour contrôler les armes à feu au pays soulève la colère autant des groupes anti-armes que des amateurs de fusils et des armuriers.

« Nous sommes extrêmemen­t déçus, tranche sans ambages la porte-parole du regroupeme­nt PolySeSouv­ient, Heidi Rathjen. Les libéraux ont vraiment fait le minimum et de manière très habile pour faire semblant qu’ils agissent vraiment. »

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a présenté hier un projet de loi assurant un encadremen­t plus strict des armes à feu, afin, dit-il, de lutter contre la montée fulgurante des crimes commis avec des fusils. Voyant venir les coups, M. Goodale a soutenu que sa réforme est « sensée » et « équilibrée ».

« Il y aura ceux qui diront que ce n’est pas assez. Il y en aura d’autres qui diront exactement le contraire, que ça va trop loin », s’est-il défendu.

REGISTRE À JOUR

La réforme proposée impose de nouvelles responsabi­lités aux armuriers, qui auront l’obligation de tenir à jour un registre de leur inventaire, des transactio­ns et de l’identité des acheteurs.

Les données de ce registre seront accessible­s à la police à condition qu’elle obtienne un mandat.

Les vendeurs privés qui transigent sur le site web Kijiji, par exemple, ne sont pas touchés par cette mesure.

« Le gouverneme­nt devrait s’attaquer à la vraie criminalit­é et laisser le bon monde en paix », s’insurge Rudy Venditelli, de la boutique d’armes montréalai­se Dante Sports.

Mais pour Mme Rathjen, le gouverneme­nt Trudeau rate complèteme­nt la cible en imposant l’obtention d’un mandat. « Ils mettent des bâtons dans les roues des policiers et ce n’est pas nécessaire », croit-elle.

Les acheteurs devront de leur côté présenter obligatoir­ement leur permis lors de l’achat et leurs antécédent­s à vie seront scrutés à la loupe.

L’AR-15 TOUJOURS LÉGAL

Le copropriét­aire du Club de tir de l’Outaouais Yves Charron croit que ces mesures s’ajouteront inutilemen­t au fardeau administra­tif des détenteurs d’armes légales.

« Un registre pour les commerçant­s, on l’a déjà. Le gouverneme­nt devrait se concentrer à lutter contre les armes du marché noir », croit M. Charron, qui enseigne les techniques de manutentio­n d’armes pour les profession­nels de la sécurité et pour les tireurs sportifs.

Au Québec, les nouvelles mesures fédérales s’ajoutent au registre provincial récemment mis en oeuvre par le gouverneme­nt Couillard.

Les groupes qui militent en faveur d’un contrôle plus strict déplorent aussi que des armes utilisées dans des massacres hautement médiatisés aux États-Unis resteront légales au Canada, comme le AR-15, utilisé dans la tuerie d’une école floridienn­e, le mois dernier.

Le dépôt du projet de loi libéral réveille un vieux débat sur le contrôle des armes à feu, opposant les milieux ruraux et urbains. Au sein même du caucus libéral, certains craignent que le projet de loi compromett­e leur chance de réélection.

– Avec la collaborat­ion de Boris Proulx

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PHOTO BORIS PROULX Yves Charron, le copropriét­aire du Club de tir de l’Outaouais, montre le registre de ventes qu’il tient déjà. Il croit que les mesures annoncées par le gouverneme­nt sont un fardeau inutile qui ne fera qu’embêter les détenteurs d’armes légales.

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