La journée des victimes
Depuis des années, j’appréhende le 8 mars décrété Journée de la femme. Cette date n’en est pas une de réjouissances, car les porte-parole de cet événement nous traceront un portrait si noir, déformé et déprimant de la situation des femmes chez nous qu’une chatte n’y retrouverait pas ses chatons.
D’abord, on aura droit à travers les médias à un discours victimaire de la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Gabrielle Bouchard, une transgenre devenue femme dans la trentaine, qui viendra nous décrire l’exploitation sexuelle des femmes aux mains des hommes. Elle dénoncera la situation économique catastrophique des femmes et la discrimination québécoise envers les minorités sexuelles féminines.
Les idéologues patentés réciteront leur catéchisme habituel où il sera question de la destruction du patriarcat millénaire, de la révolution du langage sexiste et des entraves à la liberté des femmes, qui malgré les droits reconnus seraient dans nos démocraties des espèces d’esclaves.
PORTRAIT NOIR
Le portrait brossé sera déprimant, sans nuances et exacerbé dans le contexte des mouvements comme #moiaussi.
L’on comprend que les femmes se départagent entre des ultra-militantes, théoriciennes du féminisme, qui s’embarrassent peu de la réalité. Elles constituent une minorité, ce qui n’est pas, en soi, un défaut. Puis, on retrouve la majorité composée de femmes qui n’affichent pas leur féminisme à la manière d’une arme de combat, mais comme une évidence. Quelles sont les femmes, à vrai dire, qui refusent l’égalité des sexes, à part quelques cocotes qui croient qu’en s’affichant antiféministes, elles attirent davantage les mâles ?
La Journée de la femme au Québec devrait être à l’image des Québécoises. Fières d’allure, elles parlent dru et sans gnangnan. Elles aiment et apprécient les hommes — c’est le cas de nombre de femmes gaies, soit dit en passant —, elles pratiquent l’humour, adorent se retrouver entre « filles », jeunes ou vieilles, et sont habitées par un sentiment de fierté.
ÉMANCIPATION
En effet, elles savent quel chemin leur mère a parcouru pour accéder à cette émancipation d’elles-mêmes qui fait l’envie des femmes d’ailleurs, les Françaises au premier chef. Ma chère Benoîte Groulx était amoureuse des Québécoises, qui l’épataient et l’émouvaient. Combien de fois me l’a-t-elle répété ? Et elle était impressionnée par nos hommes si peu machos comparés à ses propres compatriotes.
Les victimes n’ont pas d’avenir, étant par définition prisonnières d’un bourreau réel ou imaginaire. Dans le contexte de notre émancipation, la Journée de la femme ne se justifie qu’à condition de briser le discours misérabiliste, victimaire et marginal.
Il ne s’agit pas d’oublier les statistiques sur la pauvreté des femmes, les agressions multiples qu’elles subissent, leur aliénation et les inégalités qui les touchent. Mais le 8 mars n’a de sens chez nous que s’il permet aux plus démunies d’espérer. De sortir du déterminisme inéluctable qui les emprisonne. Nous avons fait des pas de géant : que cela se sache jeudi prochain. Que cela nous réjouisse et nous réconforte. Ce n’est pas une journée de découragement ou de colère. L’allégresse, n’est-ce pas du genre féminin ?