Le Journal de Montreal

Merci encore pour l’entrevue, Mme Bergeron

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Lorraine Bergeron, la maman de Michel qui est décédée à l’âge vénérable de 93 ans la semaine dernière, m’avait accordé une savoureuse entrevue quelques jours avant ce qui allait devenir cette sanglante série de 1984 entre les Nordiques et le Canadien.

La charmante dame s’en faisait beaucoup pour la santé de son fils. Elle aurait aimé qu’il pratique son métier d’entraîneur dans la Ligue nationale, loin des projecteur­s de Québec et de Montréal.

Elle l’aurait vu à Buffalo, où Scotty Bowman, qui était directeur général et entraîneur des Sabres, avait fait l’éloge de Bergeron, alors que ce dernier connaissai­t du succès à la barre des Draveurs de Trois-Rivières.

Elle avait cru vraiment en cette possibilit­é, mais la vie en avait décidé autrement.

UN MARI PARTI TROP VITE

Pour le meilleur et pour le pire, Bergeron s’est retrouvé avec les Nordiques, d’abord comme adjoint à Maurice Filion, puis après six matchs seulement dans le rôle d’entraîneur en chef.

Sa mère craignait qu’il ne s’emporte au point de subir une crise cardiaque,

« La faiblesse des Bergeron de notre famille, c’est le coeur », avait-elle dit.

« Quand j’en parle à Michel, il me dit de ne pas m’en faire, que papa gardait sa nervosité en dedans alors que moi, c’est tout à fait le contraire. »

Mme Bergeron avait perdu son conjoint alors que celui-ci n’avait que 48 ans. Il avait été foudroyé par une attaque cardiaque lors d’une réception familiale dans les Laurentide­s, en 1970. Le coup avait été dur. Aussi, la dame étaitelle nerveuse lorsqu’elle regardait les matchs Canadien-Nordiques à la télévision. Elle disait ne les regarder que d’un oeil.

UN ANGE DANS LA PEAU DU TIGRE

De sa jeunesse, elle avait raconté que son garçon était compétitif dans tout ce qu’il faisait et qu’il était allé même jusqu’à donner une correction à son petit voisin Norbert Signori parce qu’il avait obtenu un meilleur bulletin que lui à la petite école.

À sa première communion, le petit bout d’homme de six ans avait répondu au cardinal Léger, qui avait célébré l’office à l’église Sainte-Bernadette, à Ville Saint-Michel, que son but dans la vie était de devenir joueur de hockey.

Le reportage était agrémenté de la photo de première communion de Bergeron. Un ange dans la peau du Tigre à quelques jours du match du Vendredi saint.

L’image avait fait le tour du Québec !

Je me rappelle son air quand il m’avait vu le matin de la publicatio­n de l’article. C’était le jour du premier match de la série.

Il s’agissait de notre première rencontre.

« C’est toé, ça, de Foy ? », m’avait-il lancé en me regardant de travers.

« C’est ça », avais-je répondu. « Y’é bon ton papier », avait-il ajouté. J’étais sauf. C’est le genre de chose qui ne s’oublie pas. À toi, Michel, et à toute ta famille, mes plus sincères condoléanc­es.

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