Des déficits plus minimes mais à perte de vue
La forte croissance économique du pays permet au fédéral de dépenser plus
OTTAWA | L’absence d’une date de retour à l’équilibre budgétaire alimente la grogne envers le gouvernement Trudeau, accusé hier de ne pas en faire assez pour réduire ses déficits malgré la force de l’économie canadienne.
« Je crois que ça aurait été une bonne chose de réduire encore plus le déficit puisqu’il est plus facile de le réduire quand l’économie va bien », lance l’ancien chien de garde des contribuables Kevin Page.
« La bonification de l’allocation pour les familles [une mesure annoncée hier], c’est bon pour les électeurs, mais est-ce que c’est nécessaire pour l’économie? Pas vraiment », précise-t-il.
Grâce à la bonne tenue de l’économie, le ministre des Finances, Bill Morneau, se retrouve avec plus de 10 milliards $ supplémentaires dans ses coffres, a-t-il annoncé hier lors de sa mise à jour budgétaire.
Mais plutôt que de consacrer tout l’argent additionnel à la réduction du déficit, le grand argentier du pays a choisi d’en consacrer une partie aux familles [voir autre texte]. Bill Morneau a annoncé hier que le déficit fédéral devrait atteindre près de 20 milliards $ cette année, soit 8,6 milliards $ de moins que prévu.
Les libéraux avaient pourtant promis un déficit « modeste » de 10 milliards $ cette année en campagne électorale.
« Seuls les libéraux sont capables de faire passer pour une bonne nouvelle le fait que le déficit ait doublé », ironise le chef conservateur Andrew Scheer.
ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE
Car malgré la croissance soutenue de l’économie, le gouvernement Trudeau n’a pas l’intention de renouer avec l’équilibre budgétaire pendant son mandat comme promis, et même au-delà. Selon les nouvelles projections mises à jour, Ottawa va cumuler un déficit de 100 milliards $ jusqu’en 2023.
« On peut être responsable fiscalement et en même temps faire des choses pour la classe moyenne, pour améliorer leur situation », s’est défendu M. Morneau en point de presse. Le directeur des affaires économiques à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Simon Gaudreault, croit lui aussi que le gouvernement aurait dû profiter de la force de l’économie pour s’attaquer plus sérieusement au déficit au lieu de se lancer encore dans des dépenses.
« BON MOMENT »
« Ça nous prend une feuille de route pour le retour à l’équilibre budgétaire, estime-t-il. Elle est revenue la croissance économique, elle est très vigoureuse, alors ce serait le bon moment de se remettre dans l’encre noire, se sortir du rouge, avant que la prochaine récession arrive. »
Le NPD, de son côté, voit dans l’annonce du ministre Morneau un exercice de relations publiques.
« C’est une tentative désespérée pour aider le ministre des Finances de se sortir d’un scandale dans lequel il est empêtré depuis des mois », soutient Alexandre Boulerice en référence à l’omission de M. Morneau de placer ses actifs dans une fiducie sans droit de regard.