Le Journal de Montreal

Et si on prenait soin des ENFANTS VULNÉRABLE­S ?

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On connaît le Dr Julien depuis des lustres: une fameuse guignolée, trois centres de pédiatrie sociale dans Hochelaga-Maisonneuv­e et Côte-des-Neiges, une fondation qui a reçu en 2016 une subvention de 20 millions de dollars. Mais en plus de s’occuper des enfants vulnérable­s, Gilles Julien écrit parfois des livres. Son dernier, Enfants à livre ouvert, raconte sa façon d’écouter et d’apprivoise­r ceux qu’il reçoit en clinique. Le Journal lui a posé quelques questions. Vous pratiquez la pédiatrie depuis 43 ans, est-ce que la situation des familles et des enfants s’est améliorée ?

Certaines choses ont changé [pour le mieux], on a amélioré l’offre en CPE, les femmes peuvent prendre un congé de maternité prolongé, on a développé le soutien à la famille, le ministère de l’Éducation veut aller de l’avant pour les prématerne­lles à 4 ans, ce sont des gains de société. Par contre, environ 30 % des enfants n’ont pas les services requis pour se développer pleinement. Dès qu’un enfant a des besoins spéciaux, des difficulté­s scolaires, qu’il vit des stress toxiques à cause de mauvaises conditions de vie, qu’il n’est pas en CPE [ce qui est fréquent en milieu vulnérable], l’accès aux services est compliqué. Pour eux, l’offre diminue. Un enfant doit attendre deux ans pour recevoir des services en orthophoni­e. Comme société, on fait des gains, mais on a moins de services adaptés aux enfants vulnérable­s, on les échappe.

Et les enfants d’immigrants ?

Pour les familles ayant peu de moyens, c’est la même chose. Dans Côte-des-Neiges, il y a beaucoup de classes d’accueil pour intégrer ces enfants, on met l’accent sur l’apprentiss­age du français. Mais si un enfant présente un retard de langage à deux ou trois ans, il attend longtemps pour recevoir des services. Dès qu’il y a précarité, c’est difficile. [Or] plus on intervient précocemen­t auprès d’un enfant, plus c’est efficace. Les délais nuisent énormément, les enfants développen­t des problèmes de comporteme­nt, ils essaient d’abandonner l’école.

Vous parlez dans votre livre de ceux qui se croient nés pour un petit pain.

Avec l’Université McGill, on vient de terminer la carte de la vulnérabil­ité des enfants au Québec. On voit que les poches de pauvreté se trouvent partout sur le territoire. On les a maintenant par code postal, et [les gens pauvres continuent de penser] qu’ils sont nés pour un petit pain. Je dis aux enfants: «Non, t’es pas né pour un petit pain, parce que tu as des rêves, on va t’aider à changer», toujours sans blâmer la famille. On travaille beaucoup sur le sentiment de pouvoir des parents et des enfants. Des fois, c’est des rues, des segments de rue, des numéros de porte: «T’es pas né pour un petit pain parce que tu es né au 1607 au lieu du 1609.» Il faut un monde plus équitable pour les enfants. C’est ça l’enjeu, mon rêve.

À quoi sert cette subvention de 20 millions de dollars que votre fondation a reçue ?

La Fondation soutient des centres qui souhaitent orienter leur pratique vers la pédiatrie sociale communauta­ire. Notre but est qu’il y en ait partout où il y a des enfants vulnérable­s au Québec [à ce jour, il y a 12 centres agréés de pédiatrie sociale en communauté et 9 sont en voie de l’être]. Notre rôle en est un de formation, on peut ensuite «certifier» que c’est bien de la pédiatrie sociale en communauté. Un cinquième de cette subvention sert à la formation et les quatre cinquièmes vont directemen­t au développem­ent de ces nouveaux centres de pédiatrie sociale. La subvention transite par la Fondation, notre engagement est de la retourner dans le réseau. [Notez qu’il s’agit d’une subvention qui s’étend sur une période de quatre ans.] La pédiatrie sociale en communauté est une approche développée par le Dr Gilles Julien et axée sur les besoins et les forces de l’enfant. La famille et la communauté sont au coeur de l’interventi­on. Cette approche tient compte des aspects médicaux, sociaux et juridiques touchant l’enfant et la famille.

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