Trump, Le Pen et les autres
WASHINGTON | On a beau dire, l’élection présidentielle française nous fascine à cause de Marine Le Pen. Les autres candidats sont intéressants pour différentes raisons, mais si la présidente du Front national devait se démarquer avec un score élevé au premier tour du scrutin, puis remporter plus de 50 % des voix au second tour, nous nous retrouverions tous la gueule décrochée. Ne dites pas le contraire!
Les sondages disent non, mais après les surprises qu’ont causées l’élection de Donald Trump à la présidence américaine et le choix des électeurs britanniques de sortir de l’Union européenne, un scepticisme anxieux se justifie pleinement. Cela dit, quel que soit le résultat final, le populisme comme courant politique est sur son erre d’aller.
Chaque coin du monde, c’est clair, a ses différences, mais dans les pays industrialisés, depuis quelques années, des thèmes similaires s’entrecroisent dans les débats politiques: remise en question du libre-échange, doute à l’égard de la mondialisation, sentiment de trop-plein par rapport à l’immigration.
Un peu partout, des leaders populistes se lèvent pour dénoncer ce qu’ils résument comme la mainmise des élites sur le pouvoir au détriment des citoyens moyens, oubliés par l’establishment. Ils sèment le doute sur les institutions mises en place pour servir la démocratie, mais dénoncées comme favorisant une minorité de privilégiés.
TRUMP, D’ABORD
Donald Trump est de ceux qui ont eu le plus de succès avec ce discours, même si lui-même, fils de multimillionnaire et instruit dans une université de l’Ivy League, a généreusement profité de ce système prétendument injuste. La contradiction, de toute évidence, n’affecte pas ses partisans.
En Europe, les leaders de ce type se sont aussi multipliés: de Nigel Farage, l’ancien chef de l’UKIP, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, à Viktor Orban, le premier ministre hongrois, en passant par Jaroslaw Kaczynski dont le parti — Droit et Justice — est actuellement au pouvoir en Pologne.
Et c’est sans oublier Geert Wilders aux Pays-Bas, qui a subi une défaite aux élections législatives de mars dernier, mais qui, pendant la campagne électorale là-bas, a vu certaines de ses idées récupérées par le parti au pouvoir, le premier ministre Mark Rutte affirmant que la «majorité silencieuse, aux Pays-Bas, n’allait plus tolérer que des immigrants viennent abuser de nos libertés. Qu’ils s’adaptent ou qu’ils partent.» La peur des immigrés, c’est un thème qui porte, ces temps-ci.
TANT QUE ÇA M’ARRANGE
Il règne toutefois au coeur de ce populisme politique un cynisme que Donald Trump a plus positivement décrit comme de la «flexibilité»: une position un jour, une autre un autre jour. Ce qui l’amène maintenant, moins de 100 jours après être devenu président, à virer capot sur un sujet et un autre.
L’OTAN était dépassée, maintenant, c’est une «grande alliance». La Chine «violait l’économie américaine» et manipulait sa monnaie pour nuire aux États-Unis; aujourd’hui, la Chine ne manipule plus rien du tout et constitue le partenaire dont Washington a besoin pour régler la crise nordcoréenne. Avant, c’était «America First!», pas question de contester des gouvernements au Moyen-Orient ou ailleurs; à présent, on évoque que la solution en Syrie passe possiblement par le renversement du président Bachar al-Assad.
Le populisme s’ajuste, mais va s’accrocher. Le mécontent de la classe moyenne, dans la foulée de la crise économique de 2008-2009, reste une force que les politiciens de tout poil vont continuer d’exploiter. N’en doutez pas!