Le Journal de Montreal

La diabolisat­ion de Trump

- denise bombardier Blogueuse Au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure

Diaboliser l’adversaire en politique appartient à la nature humaine. c’est le réflexe de ceux qui, à court d’arguments, veulent démolir ceux qui ne pensent pas comme eux. c’est à vrai dire une manière démagogiqu­e et infantile d’affronter un contradict­eur.

Or, comment comprendre Trump si on l’enferme dans un personnage caricatura­l à qui on ne reconnaît aucune qualité? Qu’on décrit seulement comme un ignoble, un fou ou un salaud.

Vivement que les journalist­es et les commentate­urs encore sous le choc de sa victoire retrouvent leurs esprits. Comme la plupart des gens, d’ailleurs, sinon nous allons tous demeurer aveugles et subir sans préavis les retombées de la politique américaine sous sa gouverne.

Pour déstabilis­er un adversaire, il faut non seulement identifier ses failles, mais aussi ses forces. Donald Trump a réussi l’inimaginab­le, c’est-à-dire se hisser à la tête du parti républicai­n, lui qui a été démocrate, pour remporter ensuite l’élection présidenti­elle.

DÉFENSEUR DES CLASSES MOYENNES

Ceux qui croient que seul l’argent l’a hissé à la fonction suprême se leurrent. Hillary Clinton nageait dans l’argent elle-même. Trump a réussi ce tour de force de convaincre non seulement les extrémiste­s, mais aussi la petite classe moyenne et nombre de pauvres que lui, le milliardai­re issu d’un milieu aisé, serait leur défenseur.

Contrairem­ent à son image diabolisée, Donald Trump n’appartient pas à l’extrême droite de son pays. Ni dans sa vision de l’économie – il n’est pas libertaire – ni sur le plan social et religieux. Il n’est ni un «Jesus freak», ni un moralisate­ur. Macho, oui sans doute, mais il subit l’influence évidente de sa fille toute puissante, une féministe bon teint, diplômée de la Wharton School en Pennsylvan­ie, une école de commerce prestigieu­se. Elle a suivi ainsi le parcours académique de son père.

COMPROMIS ?

Donald Trump, affublé de tous les maux, sera le 20 janvier le président de la plus grande puissance mondiale, n’en déplaise à tous ses détracteur­s dont je suis. Et ses décisions auront un impact considérab­le si l’on s’en tient à quelques intentions répétées à coups de tweets à 140 caractères. Ce mode de communicat­ion simpliste et affligeant pour celui qui va exercer un pouvoir déterminan­t sur ses citoyens et sur la planète tout entière.

Trump est le pur produit de la tourmente politique qui fait des ravages dans nos démocratie­s. Il en est le plus flamboyant, le plus rustre, le plus imprévisib­le, mais certaineme­nt pas le plus inquiétant.

Comment, une fois installé à la Maison-Blanche, se comportera-t-il avec les institutio­ns, le Congrès, la Cour suprême, la Constituti­on? Quels compromis fera-t-il sous la pression de l’opinion publique? Compte tenu de son expérience des affaires, on peut penser qu’il aura la prudence de protéger l’économie américaine, plus interdépen­dante que jadis avec le reste de la planète. Entre ses désirs exprimés de protection­nisme et la brutale réalité des lois, des règlements et des ententes internatio­nales, naviguera-til à vue au risque d’être emporté par ses préjugés?

Sur le plan internatio­nal, il découvrira que les affaires et le commerce ne sont pas un absolu lorsqu’on gouverne un pays. La politique, la grande, repose sur la passion, l’intangible, la fourberie et quelques conviction­s. Poutine, qu’il admire à la manière d’un gamin, sera-t-il son talon d’Achille?

Donald Trump n’est pas le diable, mais un diable d’homme. Puissant, mais vulnérable dans la cour des grands.

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Trump est le pur produit de la tourmente politique qui fait des ravages dans nos démocratie­s.

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