La parole de Rio Tinto
En 2007, le géant minier Rio achetait Alcan. À l’époque, le gouvernement du Québec nous assurait que des conditions strictes seraient imposées à l’acheteur. L’entreprise devait s’engager à maintenir ses investissements et à conserver des emplois. Elle devait aussi maintenir son siège social à Montréal… Comme quoi il fallait nous méfier des apparences!
UN FAUX SIÈGE SOCIAL
Rio Tinto promettait d’investir de 50 à 60 millions pour rénover son siège social. On a appris lundi à quel point ce n’était que de la poudre aux yeux. Lors du déménagement, jusqu’à 170 postes y disparaîtront. Ce sont 20 % des employés.
Le maintien d’un siège social montréalais n’était qu’une maigre compensation pour le Québec. Tous savaient que les décisions importantes seraient désormais prises à Londres et à Melbourne. Et que, éventuellement, le développement économique du Québec ne compterait plus dans l’équation. C’est aujourd’hui chose faite.
Rio Tinto fait même disparaître le nom «Alcan» de sa filiale. Elle fait ainsi disparaître plus d’un siècle d’histoire industrielle au Québec. J’ose espérer que les quelques gestionnaires québécois de l’entreprise s’y sont opposés. S’ils l’ont fait, on voit combien peu ils pèsent dans l’entreprise. Il y a là de quoi faire réfléchir ceux qui se contentent d’entendre que Le Cirque du Soleil gardera son siège social chez nous. Ou qui accepteraient la vente de SNC-Lavalin à condition d’y garder quelques emplois de «gratte-papiers» à Montréal.
UN BON DEAL AVEC QUÉBEC
Au départ, plusieurs aimaient croire que Rio Tinto serait un bon citoyen corporatif. Il s’était engagé auprès du gouvernement du Québec à maintenir les emplois et à réinvestir dans ses installations. Au total, 2500 emplois au Saguenay−Lac-Saint-Jean en dépendaient. Sauf qu’en 2007, le prix de l’aluminium était à 2800 $ US la tonne et Rio Tinto n’entrevoyait pas de bonnes raisons de mettre la clé sous la porte de ses usines québécoises.
On a appris un peu plus tard à quel point Rio Tinto s’était négocié un bon
deal. Son entente avec le gouvernement du Québec lui aurait permis de ne pas remplir ses obligations si le prix de l’aluminium descendait sous la barre des 1800 $ US pendant assez longtemps.
Il n’en fallait pas plus pour qu’on ferme l’usine de Shawinigan. Ou qu’on fasse disparaître 1100 emplois à Beauharnois. Encore tout récemment, l’entreprise menaçait finalement de s’en prendre à la seule usine de transformation de bauxite en Amérique du Nord, celle de Jonquière. On se demande si ce n’est pas pour obtenir des traitements de faveur des gouvernements.
PROTÉGER NOS FLEURONS
Si, au moins, le gouvernement du Québec s’était tenu debout, les conséquences de la vente d’Alcan auraient peut-être été moins graves. Mais on a laissé aller. Et pendant que Rio Tinto fermait des usines ici, le gouvernement fédéral s’impliquait à plein pour empêcher que Potash Corp, joyau économique de la Saskatchewan, ne passe dans des mains étrangères.
Un tel interventionnisme n’est pas du nationalisme mal placé. Ceux qui veulent acquérir nos fleurons sont souvent soutenus par leurs gouvernements respectifs ou bénéficient des paradis fiscaux. Les Québécois ont alors besoin de leur gouvernement pour rétablir l’équilibre des forces. Malheureusement, pour Alcan, il a abdiqué.