Marécage contre promoteur
Un projet immobilier tombe à l’eau à Laval pour protéger un milieu humide au bord de l’autoroute 440
Un vaste projet immobilier qui devait voir le jour dans un marécage de Laval tombe à l’eau, après des années de bataille juridique entre le promoteur et le ministère de l’Environnement.
«La prise de position du tribunal est très forte. Un rappel à l’ordre est sonné pour les promoteurs», estime l’avocat et biologiste Jean-François Girard, administrateur au Centre québécois du droit en environnement (CQDE).
Selon M e Girard, ce jugement donnera à l’avenir du fil à retordre aux développeurs immobiliers. «Si j’avais des clients qui voulaient poursuivre pour développer dans un milieu humide je leur dirais qu’ils n’ont pas grand chance de gagner», prévient-il.
AUTOROUTES 440 ET 13
Le champ de bataille est un terrain de 21 hectares à l’intersection des autoroutes 440 et 13, à Laval. Le promoteur Investissements Richmond souhaite y faire pousser un quartier résidentiel et une zone industrielle.
Plus de la moitié de la parcelle est couverte de zones humides, d’après la carte interactive des milieux humides produite par Canards Illimités en collaboration avec le ministère de l’Environnement.
La Ville de Laval a donc refusé d’accorder un permis de construire, estimant que le promoteur devait d’abord obtenir un certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement.
DÉFINIR MILIEU HUMIDE
Obtenir ce sésame ayant toutefois un coût, le promoteur a décidé de porter sa cause devant la cour pour contourner le ministère de l’Environnement.
Dans sa requête, il affirme que son terrain n’a rien d’humide puisqu’il le parcourt «à pied sec». Pour lui, sans présence d’eau à l’année, il est impossible à un citoyen ordinaire de savoir qu’il est face à un milieu humide, le ministère de l’Environnement n’a donc pas à mettre son nez dans ses affaires.
Mais la réplique du juge Yergeau est sans équivoque. «Le juge dit carrément aux promoteurs “vos arguments sont ridicules; arrêtez de niaiser”», indique M e Girard.
«Invoquer l’absence de connaissances techniques de celui qui entend faire des travaux dans un marais, un marécage ou une tourbière n’est pas un motif pour se soustraire à ce que la Loi exige», écrit le juge, ex-vice-président du BAPE.
«C’est la fin de l’incertitude sur la définition de ce qu’est un milieu humide. Aujourd’hui, on ne peut plus les ignorer», se réjouit Guillaume Daigle, chef des politiques publiques et de l’éducation chez Canards Illimités.
Investissement Richmond – qui n’a pas rappelé Le Journal – n’a toutefois pas jeté l’éponge. L’avocat de l’entreprise, M e Roger Paiement, a en effet inscrit la cause en appel.