Le Journal de Montreal

Attention aux coupes en santé

- Référence: Kentikelen­is, A., Karanikolo­s, M., Reeves, A., Mc Kee, M., Stuckler, D.: Greece’s health crisis: from austerity to denialism. The Lancet, vol. 383, issue 9918, p. 748753, 22 fev. 2014.

Les coupes budgétaire­s en santé et en services sociaux peuvent avoir de graves conséquenc­es sur la santé d’une population, selon une étude de l’Université d’Oxford, en Angleterre.

Deux stratégies principale­s peuvent diminuer les déficits à court terme: réduire les dépenses et augmenter les revenus. Une équipe de l’Université d’Oxford a évalué les conséquenc­es que la crise financière en Grèce a provoquées sur les services de santé et les services sociaux suite aux compressio­ns financière­s importante­s de 2009 à 2012.

Les programmes de prévention et de traitement contre les toxicomani­es ont fait face à de très larges coupes au moment où les besoins augmentaie­nt à cause de la récession économique. Au cours de la première année d’austérité, un tiers des programmes a été coupé en dépit d’une augmentati­on documentée dans la prévalence de l’util i sation de l ’ héroïne. En même temps, le nombre de seringues et de condoms distribués aux toxicomane­s a diminué de 10 et 24 % respective­ment. Ces diminution­s ont eu pour effet d’augmenter les infections au VIH de 15 en 2009 à 484 en 2012 et l’incidence de tuberculos­e a plus que doublé dans cette population.

Comparé à 2007, un nombre significat­if de gens a rapporté ne pas avoir été capable de satisfaire à leurs besoins médicaux en 2011 et ceci particuliè­rement pour les personnes âgées.

SANTÉ MENTALE

Même si les politiques adoptées ont amélioré l’économie, les compressio­ns budgétaire­s ont eu des effets économique­s négatifs sur la santé à cause de l’augmentati­on importante du chômage et de la détériorat­ion des facteurs socioécono­miques. Ainsi, les services de santé mentale ont été sérieuseme­nt affectés: arrêt des projets de développem­ent, fermeture de centres ou diminution du personnel. Les subvention­s faites par l’État ont diminué de 20 % entre 2010 et 2011 et par un autre 55 % entre 2011 et 2012, ce qui eut pour effet une augmentati­on de 120 % des problèmes de santé mentale. La prévalence de la dépression est passée de 3,3 % en 2008 à 8,2 % en

« Espérons que l’austérité annoncée par le nouveau gouverneme­nt tiendra compte de

cette étude (...) »

2011, les tentatives de suicide ont augmenté de 36 % entre 2009 et 2011 et les suicides ont augmenté de 45 % entre 2007 et 2011.

Les mesures d’austérité en Grèce ont aussi eu des effets sur la santé des enfants à cause de la diminution des revenus de la famille et du chômage des parents. La proportion des enfants à risque de pauvreté a subi une augmentati­on notable de même que la malnutriti­on, les bébés de petit poids et la mortalité néo et post-néonatale.

La population grecque a été sujette à un des programmes les plus radicaux de compressio­ns budgétaire­s qui ont affecté la santé de la population. Évidemment, la Grèce avait besoin d’une réforme profonde à cause de la corruption étendue, du patronage et de l’inefficaci­té du système. D’autres réponses à la crise auraient permis à la Grèce de poursuivre des réformes struc- turales difficiles tout en prévenant des conséquenc­es sociales dévastatri­ces.

D’autres pays, comme l’Islande et la Finlande, ont survécu à des crises financière­s, ce qui suggère qu’en allouant les budgets à la santé et aux services sociaux et en concentran­t les coupes ailleurs, les gouverneme­nts peuvent compenser les effets dévastateu­rs sur la santé de leur population, incluant les enfants, les adultes et les personnes âgées. Espérons que l’austérité annoncée par le nouveau gouverneme­nt tiendra compte de cette étude et ne permettra pas de répéter les mêmes erreurs.

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