Le Journal de Montreal - Weekend
Un véritable Sherlock Holmes québécois
Quand l’inspecteur Silas Carpenter met la main au collet du meurtrier Donald Morrison aux environs de Lac-Mégantic, en 1899, il met fin à la plus longue chasse à l’homme de l’histoire du pays. Pendant plus de 10 mois, le hors-la-loi, qui avait mis le feu à des bâtiments et assassiné un homme, s’était caché en Estrie, déjouant les dizaines de policiers lancés à ses trousses.
Carpenter, ce Sherlock Holmes québécois qui assurera notamment la sécurité de la reine d’Angleterre, acquiert aussitôt la célébrité, car Morrison était considéré comme le criminel le plus recherché du Canada. Un agent américain reconnu pour ses captures embauché par le gouvernement du Québec avait mordu la poussière dans une mission précédente.
L’arrestation, qui a inspiré au moins trois romans en langue anglaise, avait nécessité la collaboration d’un authentique coureur des bois d’origine française, Pierre Leroyer. Mais c’était surtout le résultat d’une véritable intelligence stratégique de Carpenter.
ANCIEN POLICIER
Qui était ce fin limier ? Né en 1854 à Brownsburg, un village des Laurentides, Carpenter est embauché à
24 ans à la police de Montréal, où il monte en grade pour devenir sergent deux ans plus tard, puis détective.
Il enquête notamment dans les cabarets illégaux du Red Light où règnent diverses activités illicites, dont le trafic d’opium. L’enquêteur jouit alors d’un statut spécial au sein du service policier, raconte l’historienne Émilie Girard dans une publication du Centre des mémoires de Montréal.
« Au 19e siècle, le détective, qu’on a longtemps associé à la police civile (sans uniforme), participe à des activités de renseignement et procède à des enquêtes criminelles, sous l’autorité ultime du procureur général », apprend-on dans le dossier Être policier ou policière à Montréal.
Carpenter quitte la police en 1890 et devient détective privé à la Canadian Secret Service Agency. « Pendant cette période, les gouvernements fédéral et provincial firent parfois appel à lui ; il servit notamment de garde du corps à des membres de la famille royale et autres dignitaires en visite au pays », relate le Dictionnaire biographique du Canada.
PLUS DE SCIENCE
Avec sa large moustache et son noeud papillon, Carpenter a plus l’air d’un intellectuel que d’un constable. D’ailleurs, quand il revient à la police de Montréal pour diriger un bureau d’enquête comptant 10 hommes – pour un généreux salaire de 2000 $ par an –, il plaide pour une approche plus scientifique des interventions post mortem.
Carpenter met en place, notamment, un processus d’identification judiciaire innovateur qui transforme complètement l’approche policière. « La nouvelle mouture du bureau satisfait les attentes : sur les 2024 plaintes reçues en 1894, 90 % sont résolues ! » poursuit Girard.
La réputation de Carpenter devient nationale et il est engagé – au double de son salaire – à Edmonton, où il est nommé chef de la police en 1913. Il termine sa carrière à titre de magistrat à Banff, où il décède en 1916.
Son corps repose au cimetière MontRoyal, à Montréal.