Le Journal de Montreal - Weekend

COMMENT SE PORTENT LES JEUNES DU SECONDAIRE ?

- SAMUEL PRADIER

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a choisi de maintenir la semaine de relâche scolaire du mois de mars. Une sage décision qui va aider les jeunes du secondaire, ceux-ci souffrant beaucoup plus qu’on pense de la situation actuelle, signalent des professeur­s et une psychologu­e scolaire de la grande région de Montréal.

Les problèmes sont nombreux et divers, ont expliqué à l’Agence QMI des intervenan­ts du milieu de l’éducation qui oeuvrent auprès des étudiants du secondaire, dont deux professeur­s ayant réclamé l’anonymat.

Et les difficulté­s ne sont pas les mêmes entre le premier cycle (secondaire 1 et 2) — où les cours sont offerts en classe à temps plein — et le second cycle (3e à 5e secondaire), qui use en ce moment les bancs d’école une journée sur deux.

Dès la rentrée de septembre, Sophie M. (nom fictif), prof de français en première secondaire, a constaté les dégâts.

« Le passage du primaire au secondaire a été différent. Habituelle­ment, les spécialist­es et la direction épluchent les dossiers des nouveaux élèves pour constituer des classes équilibrée­s et prévoir de l’aide pour ceux qui sont en difficulté. Ça n’a pas été possible de le faire cette année, les dossiers n’ont pas suivi. »

Les jeunes n’ont pas pu se familiaris­er à l’avance avec leur nouvel environnem­ent, ce qui a aussi provoqué une transition plus difficile, laquelle se reflète dans leur comporteme­nt.

ISOLEMENT SOCIAL

Les multiples changement­s de directives du ministère ont aussi provoqué de l’anxiété chez les élèves.

« On voit que les élèves sont devenus de plus en plus stressés et anxieux depuis le début de l’année, explique la pédagogue. Ils s’adaptent bien aux consignes, mais le plus difficile est certaineme­nt de toujours rester dans le même local du matin au soir, y compris pendant les pauses et l’heure du dîner. »

Obligés de rester dans leur bulle, les jeunes ne peuvent plus voir leurs amis qui sont dans d’autres classes, par exemple. S’ensuit un véritable isolement social.

« Ça fait partie du problème, constate Marie-Josée Léger, psychologu­e scolaire à l’École secondaire Rive-Nord. En même temps, il y a de grosses disparités entre les écoles ; certaines autorisent les élèves à manger à l’extérieur de leur local. Le fait que les activités parascolai­res, qui pouvaient animer et motiver les élèves, n’existent plus joue aussi, évidemment, sur le moral. »

L’absence d’opportunit­és pour les élèves de se défouler et de socialiser est un problème soulevé par une majorité de profession­nels de l’éducation.

« La plupart d’entre eux passent leur temps sur leurs cellulaire­s et les réseaux sociaux, car ils ne peuvent pas voir leurs amis ou se défouler dehors, détaille Sophie M. Le seul moment où ils peuvent bouger, c’est en éducation physique, et ils n’en ont pas tous les jours. »

De là découle une concentrat­ion plus difficile, une plus grande lenteur dans les apprentiss­ages, en plus d’un climat anxiogène au quotidien.

HORAIRE HYBRIDE

Au deuxième cycle, c’est davantage l’horaire hybride qui semble poser problème, autant aux jeunes qu’aux enseignant­s.

« Il est plus difficile d’enseigner en virtuel, car on a moins de contrôle sur ce qu’ils font chez eux, derrière leur écran, raconte Antonio S. (nom fictif), professeur de langue en troisième secondaire. Je sens beaucoup de démotivati­on. Les élèves sont plus désabusés et moins motivés. Ils se contentent du minimum. »

Marie-Josée Léger confirme cette impression, en ajoutant qu’on a demandé aux jeunes beaucoup d’adaptation depuis le début de la pandémie. Mais l’école un jour sur deux est une routine difficile à assimiler.

« J’avais des groupes qui participai­ent moins, mais depuis les cours hybrides, ils sont plus indiscipli­nés et plus bavards, indique Antonio S. Je pense qu’ils sont contents de se voir quand ils viennent à l’école. Ils viennent faire du social. »

Heureuseme­nt, il y a quand même de l’espoir pour l’avenir.

« Même ceux qui semblent démotivés semblent avoir des projets d’avenir, confirme Marie-Josée Léger. Ils ne pensent pas forcément à lâcher l’école. Ils sont surtout découragés, mais tout n’est pas perdu. »

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