À Niagara Falls, l’afflux se stabilise
De nouvelles arrivées de demandeurs d’asile sont toutefois attendues cet été
Après avoir connu un nouvel « afflux » de demandeurs d’asile à la fin de l’année 2023, la situation s’est « stabilisée » à Niagara Falls, selon des intervenants communautaires. D’autres déplorent un manque de vision à long terme du gouvernement fédéral, étant donné qu’ils s’attendent à une reprise des arrivées cet été.
« La crise qui est survenue il y a deux ans s’est atténuée. […] C’est stable depuis le mois de janvier », estime Bonaventure Otshudi, directeur des services aux nouveaux arrivants du Centre de santé communautaire Hamilton/Niagara, qui aide les nouveaux arrivants francophones à s’établir au Canada.
En juillet 2022, près de 5500 demandeurs d’asile ont été transférés en Ontario à la demande de Québec, qui souhaitait qu’Ottawa trouve des solutions pour gérer l’afflux d’arrivées par le chemin Roxham. Plus de la moitié d’entre eux ont été relogés dans des hôtels de Niagara Falls, occupant en février 2023 quelque 1800 chambres dans une dizaine d’établissements, selon la région de Niagara.
Mais depuis la fermeture du chemin Roxham, le 25 mars 2023, de nombreux demandeurs d’asile ont continué d’arriver sur le territoire canadien, notamment par l’aéroport Pearson, de Toronto, et l’aéroport international Montréal-Trudeau. « Et ces gens-là, on les envoie dans notre région », explique M. Otshudi.
Comme à Windsor, où il y a eu un « pic » de demandeurs d’asile en février, selon la directrice de développement communautaire et de la main-d’oeuvre de l’organisme Workforce WindsorEssex, Kelsey Santarossa, un autre « afflux massif » d’immigrants est arrivé à Niagara Falls à la fin de l’année 2023. Ces derniers sont entrés par les airs avec un visa, et demandaient l’asile à l’aéroport, indique Wally Hong, le pasteur d’une église de la ville qui vient en aide aux nouveaux arrivants.
Parmi les demandeurs d’asile rencontrés par Le Devoir, un Kényan venait d’arriver il y a à peine deux semaines. Plus de 2200 demandeurs d’asile sont aujourd’hui hébergés dans quatre hôtels de Niagara Falls, selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Manque de planification
À l’approche de l’été et de l’arrivée des températures plus clémentes, Bonaventure Otshudi prévoit une nouvelle « augmentation [du nombre] de demandeurs d’asile », expliquant que plusieurs personnes attendent « que le froid passe pour faire le saut ». Il faudra donc s’attendre à une nouvelle vague d’arrivée, en pleine saison touristique.
À cette période de l’année, les demandeurs d’asile se font déplacer dans d’autres hôtels, moins chers ou plus excentrés, pour laisser place aux villégiateurs. Une pratique décriée par Olayinka Animashaun, la fondatrice de l’Organisation de la culture africaine et caribéenne de Niagara. Elle accuse le gouvernement fédéral de reproduire chaque année les mêmes manoeuvres, sans trouver de solution à plus long terme.
« Ils les déplacent comme des chèvres. […] C’est arrivé l’année dernière, et ça se reproduit cette année. Pourquoi continuons-nous à faire la même chose ? » Elle aimerait plutôt que l’argent utilisé pour payer les chambres d’hôtel soit investi dans la construction ou la conversion d’anciennes propriétés en refuges.
Mme Animashaun ne pense d’ailleurs pas que la situation s’est stabilisée. « Ce problème va perdurer. Ça ne changera pas. […] Ils continuent de venir [au Canada] et ils n’arrêteront jamais. »
D’après Mme Santarossa, des conflits, des catastrophes naturelles ou des annonces politiques, comme celle faite la semaine dernière par Ottawa sur la diminution de l’immigration temporaire, pourraient également influer sur le nombre de demandes d’asile dans les prochains mois, dit-elle, s’exprimant à titre personnel.
La Ville plus réticente
Selon M. Otshudi, si le maire de Niagara Falls, Jim Diodati, se « frottait les mains » à l’idée d’accueillir autant de demandeurs d’asile au début de la crise, l’élu a depuis déchanté. Il juge que M. Diodati est désormais plus « réticent » à l’idée d’accueillir des demandeurs d’asile, préférant accommoder les touristes.
« Il était très content d’avoir de la main-d’oeuvre, mais le maire n’a pas compris que, pour arriver [au moment où quelqu’un peut travailler], c’est tout un processus. Ça prend un permis de travail, ça prend un examen médical de l’immigration », dit-il, citant aussi des défis sur le plan linguistique.
La Ville de Niagara Falls n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.
Environ 9 % des demandeurs d’asile logés dans des hôtels de Niagara Falls sont francophones, note M. Otshudi. « Si la personne ne parle pas anglais, c’est difficile de travailler à Niagara Falls. » Mais pour l’intervenant communautaire, c’est une « bonne chose ». « On a besoin de francophones pour pérenniser [la communauté] en milieu minoritaire. Sinon, sans l’immigration, les francophones vont disparaître dans les chutes du Niagara. »