Des démissions préoccupantes
Depuis quelques années, on fait état de tous ces jeunes enseignants du primaire et du secondaire (jusqu’à 50 %) qui quittent la profession avant leurs cinq premières années. Désabusés, déçus et désillusionnés. Voilà un symptôme fort inquiétant. Cette réalité mérite une attention particulière du fait qu’elle cache fort probablement des problèmes à l’échelle de notre société tout entière. Dans le sens des propos de l’enseignant qui a eu le courage de s’exprimer sur ce sujet au dernier Tout Le Monde en parle.
Certes, il est question de conditions de travail, de classes surchargées, d’élèves avec des profils particuliers intégrés dans les classes ordinaires, de manque de personnel professionnel, etc. Il n’en demeure pas moins que ce désastre pédagogique, car c’en est un, ne fait pas l’objet d’analyses plus pointues. Ne pourrait-on pas le faire afin d’envisager les solutions qui s’imposent ?
Face à ce gaspillage inouï de ressources précieuses pour la santé de notre société, j’aimerais entendre davantage les perceptions de ces éducateurs. Au-delà des revendications syndicales, ont-ils d’autres doléances à exprimer ? Ont-ils vraiment voix au chapitre ? Sont-ils muselés d’une quelconque manière ? Éprouvent-ils de la gêne à divulguer ce qui les démobilise ? Où et quand peut-on les entendre s’exprimer en toute liberté et à coeur ouvert ? Pourtant, un tel exercice sous une forme ou une autre pourrait mettre en lumière des lacunes auxquelles s’attaquer. Et cela, tant pour la formation universitaire que pour l’éducation que l’on prodigue à nos enfants. Leurs observations produiraient un effet de miroir de qui nous sommes.
Les enseignants s’estiment-ils bien préparés pour affronter les défis à relever ? Et bien soutenus par leurs collègues ? Comment explique-t-on la présence d’autant de difficultés chez nos élèves ? Les parents feraient-ils partie du problème autant dans la façon d’éduquer leurs enfants que dans leurs rapports avec l’école ? Les directions soutiennent-elles leur personnel ? Quelles différences observe-t-on entre les enseignants qui tiennent le coup et ceux qui démissionnent ? Leurs collègues de travail ont-ils un rôle à jouer dans leurs démissions ? Quelles différences avec les écoles privées ? Bref, nous gagnerions à sonder tout ce qui fait obstacle à la concertation nécessaire de tous les acteurs sociaux dans le projet éducatif, afin de sauver notre école publique, hélas bien mal en point.
Pierre Langis, ex-professeur au collégial
Le 5 mars 2024