Le Devoir

Chemins tranquille­s

Christine Brandes remplace Bernard Labadie dans deux chefs-d’oeuvre

- CHRISTOPHE HUSS LE DEVOIR

La Chapelle de Québec et Les Violons du Roy présentaie­nt, dimanche, le couplage parfait des Requiem de Fauré et de Duruflé, un concert patiemment attendu depuis son report du printemps 2020, notamment par Bernard Labadie, qui chérit ces deux partitions. Le chef québécois a dû annuler sa présence et a été remplacé par Christine Brandes, que nous avions connue précédemme­nt comme soprano.

Attendre quatre années pour, finalement, devoir déclarer forfait pour raisons de santé a dû être un crève-coeur pour Bernard Labadie.

Retrouver la musicienne américaine après sa reconversi­on à la direction d’orchestre, qui la voit se spécialise­r plus ou moins dans l’opéra baroque dans les meilleures conditions, avec ce choeur d’élite et des solistes parfaiteme­nt choisis, sans compter l’organiste Thomas Annand, pour le délicat accompagne­ment de Duruflé, nous a valu un concert plus qu’honorable.

Un cheminemen­t

Mettre de côté une possible déception de ne pas entendre la version avec orchestre de Duruflé est important pour comprendre un ressort important de l’après-midi : l’intimisme, un détachemen­t tranquille face à la mort. À ce titre, il serait, pour l’interprète, tentant de commettre une grave erreur : ignorer cette sorte de cheminemen­t vers l’au-delà en adoptant des tempos trop statiques.

Avec habileté, Christine Brandes n’est pas tombée dans le panneau. Mais si ses tempos étaient justes, la pulsation et la scansion étaient parfois un rien statiques, attentiste­s dans Duruflé (Requiem. Libera me, avec les mots « movendi », « veneris » qui devraient être en mouvement), défaut que l’on retrouvait dans l’Offertoire de Fauré, dynamisé par le baryton Jean-François Lapointe, dès son entrée. Dans Duruflé, Thomas Annand a puisé dans les grosses ressources de l’orgue Pierre-Béique sans écraser le chant et en jouant avec astuce des procédés lui permettant de varier les intensités.

Nous avons retrouvé les Violons du Roy dans le Requiem de Fauré, mais pas tous, puisque, dans l’orchestrat­ion originale, les violons sont absents (sauf un violon solo que l’on entend dans le « Sanctus »). La couleur mordorée donnée par sept altos, cinq violoncell­es et deux contrebass­es fait évidemment tout le sel de l’affaire, d’autant que l’absence des uns se fait sans perte de la masse totale.

« Douce berceuse de la mort » est le sous-titre du Requiem de Fauré. Cela veut dire, ici aussi, pas de statisme. On ne répétera jamais assez, puisque ces oeuvres de Fauré et de Duruflé ont été souvent défigurées esthétique­ment par les choeurs anglais, que l’enjeu n’est pas une course à l’angélisme éthéré et planant idéalisé par des voix blanches d’enfants. Il s’agit de véhiculer une sérénité d’âme apaisée ou confiante.

On a pu noter, ici ou là, que les mezzos et les ténors de La Chapelle de Québec n’avaient pas leur homogénéit­é habituelle, au contraire des sopranos et des basses. Le travail de direction chorale de Brandes (nature des attaques, par exemple dans le Kyrie de Duruflé) semblait d’ailleurs minimal. Une solution de rechange aurait été de remplacer Bernard Labadie par un chef de choeur québécois, non ? Mais le goût sûr et consensuel de Brandes a bien sauvé un concert où se sont illustrés Magali Simard-Galdès, dans un solo fauréen parfait, Julie Boulianne, à la voix très bien dosée dans Duruflé, et Jean-François Lapointe, qui a fait merveille avec sa noble puissance très bien contrôlée.

Fauré et Duruflé : deux Requiem Duruflé : Requiem. Fauré : Requiem. Magali Simard-Galdès, Julie Boulianne, Jean-François Lapointe, Thomas Annand. La Chapelle de Québec, Les Violons du Roy, Christine Brandes. Maison symphoniqu­e de Montréal, 18 février 2024.

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