Le Devoir

L’Ordre des infirmière­s et infirmiers du Québec ou l’art de se défiler

- Yves de Repentigny Vice-président de la Fédération nationale des enseignant­es et des enseignant­s du Québec, responsabl­e du regroupeme­nt cégep

Lors de sa conférence de presse du jeudi 11 mai, l’Ordre des infirmière­s et infirmiers du Québec (OIIQ) a réagi au deuxième rapport d’étape du commissair­e à l’admission aux profession­s, Me André Gariépy. Grosso modo, en dépit des constats dévastateu­rs faits par ce dernier, l’OIIQ considère avoir bien peu à se reprocher.

Une forte majorité des candidates à la profession, tant chez les bachelière­s que chez les détentrice­s d’un DEC, ont estimé que les questions de l’examen de septembre 2022 n’étaient pas claires ? Non, a-t-il rétorqué : le questionna­ire était bien construit et reflétait simplement la complexité de la profession. Si les étudiantes avaient été suffisamme­nt bien préparées, elles auraient eu la note de passage. Le seuil de réussite avait été fixé trop haut et a causé 500 échecs de trop ? L’Ordre allègue que ses propres experts cliniques s’inscrivent en faux contre cette analyse.

Bref, même si l’OIIQ, comme l’a souligné Me Gariépy, « n’a pas en main une analyse des tâches de la profession, actuelle et en bonne et due forme, pour guider l’élaboratio­n de l’examen » et que la documentat­ion servant à la préparatio­n des questions « n’a pas été révisée depuis plus d’une décennie », on nous tient le discours que, n’eût été la pandémie, tout aurait très bien été, Madame la Marquise.

Manifestem­ent, l’OIIQ excelle dans l’art de se défiler. Pourtant, on est en droit de se poser des questions, sachant que, selon le commissair­e, « l’Ordre n’est pas en mesure de garantir ni de démontrer un niveau de difficulté comparable entre les séances de l’examen ». Une partie du problème réside dans l’opacité dont fait preuve cet organisme en ce qui concerne la constructi­on de son outil d’évaluation. Pourquoi ne met-on pas davantage dans le coup le personnel enseignant, notamment celui des cégeps ? Des consultati­ons à grande échelle et à intervalle­s réguliers permettrai­ent en outre à ce dernier d’avoir une connaissan­ce toujours plus approfondi­e du type de questionna­ire utilisé et, donc, d’ajuster, au besoin, les méthodes qu’il emploie pour préparer ses étudiantes à y répondre.

Le biais obsessionn­el de l’Ordre pour le baccalauré­at

Cela dit, on peut douter de la volonté de l’OIIQ de collaborer plus étroitemen­t avec des établissem­ents d’enseigneme­nt collégial dont il ne veut plus que le diplôme puisse donner directemen­t accès à l’exercice de la profession. Le fait qu’il entende remplacer son examen par celui qui est utilisé aux États-Unis et dans les autres provinces canadienne­s, où — curieux hasard — il faut obtenir un baccalauré­at pour devenir infirmière, ne peut que renforcer les soupçons à cet égard.

En cette ère où d’aucuns réclament à grands cris l’établissem­ent d’un ordre profession­nel pour les enseignant­es et les enseignant­s au Québec, l’exemple de l’attitude butée et hautaine de l’OIIQ face au rapport Gariépy laisse franchemen­t songeur. En conséquenc­e, on peut se demander si la mission de cet ordre consiste à protéger non pas le public, mais plutôt une idée fixe : discrédite­r la formation en soins infirmiers offerte par le réseau collégial afin de pouvoir ensuite la rendre non qualifiant­e.

Pourtant, on est en droit de se poser des questions, sachant que, selon le commissair­e, « l’Ordre n’est pas en mesure de garantir ni de démontrer un niveau de difficulté comparable entre les séances de l’examen »

Newspapers in French

Newspapers from Canada