Legault ignorait que Jolin-Barrette avait soumis le nom d’un ami à la magistrature
Le premier ministre nie toute apparence de conflit d’intérêts et assure que les règles en vigueur sont suffisantes
Le premier ministre François Legault a déclaré vendredi qu’il ignorait les liens d’amitié unissant son ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et un aspirant juge quand sa nomination a été entérinée par le Conseil des ministres.
M. Legault a commenté la publication d’un reportage du quotidien Le Soleil révélant que Charles-Olivier Gosselin, nommé le 3 mai à un poste de juge à la Cour du Québec, est un ami personnel du ministre. « Je ne le savais pas, je l’ai su dans le journal ce matin », a-t-il dit en marge d’une visite dans une installation de culture de tulipes.
Le premier ministre a affirmé qu’aucune règle n’empêche un ministre de proposer la candidature d’un ami. Il a d’ailleurs affirmé qu’il ne s’informe pas de liens personnels dans les nominations soumises par ses ministres. « Il y a beaucoup de nominations qui sont adoptées par le Conseil des ministres et la seule question que je pose, c’est si les règles ont été suivies », a précisé M. Legault, en disant également ignorer si M. Jolin-Barrette a nommé d’autres amis à la magistrature.
Le premier ministre s’est porté à la défense du processus en vigueur pour écarter toute apparence de conflit d’intérêts. « Comment peut-on parler d’un conflit d’intérêts à partir du moment où les personnes sont choisies par un comité indépendant ? »
M. Legault a fait valoir qu’un comité indépendant fait une, deux ou trois propositions au ministre de la Justice, qui décide ensuite quel nom sera soumis au Conseil des ministres, étape finale du processus de nomination à la magistrature.
La saga des Post-it
Le premier ministre a fait référence aux changements apportés à la suite de la commission Bastarache, mandatée en 2010 en raison d’une controverse sur les liens entre le Parti libéral du Québec et la nomination de magistrats par le gouvernement Charest. « Avant, on sait comment ça marchait, il y avait un Post-it et on disait “cette personne est sympathisante de tel parti, on devrait la nommer”. Ça ne marche plus de même. Il y a un comité indépendant qui fait le tri, qui rencontre les différents candidats et un maximum de trois noms est soumis. »
M. Legault a défendu la compétence du nouveau magistrat, qui a étudié le droit avec M. Jolin-Barrette. « On ne peut pas dire que parce que cette personne est connue du ministre […] elle ne doit pas être nommée », a-t-il expliqué.
Selon le premier ministre, les règles en vigueur actuellement sont suffisantes pour préserver les nominations des juges de toute apparence de conflit d’intérêts. « Je pense que les règles sont suffisantes depuis la commission Bastarache. »
Le juge Gosselin, nommé à la Chambre criminelle de la Cour du Québec, et M. Jolin-Barrette se connaissent depuis l’université et se fréquentent encore une ou deux fois par année, a rapporté Le Soleil. M. Jolin-Barrette a d’ailleurs célébré le mariage de son ami en 2015.
Une nomination aussi importante ne doit pas soulever de malaises ANDRÉ MORIN
Le député libéral André Morin, porteparole en matière de justice, a déclaré que le ministre a une obligation morale de ne soulever aucun doute quant aux nominations qu’il soumet au Conseil des ministres. « Une nomination aussi importante ne doit pas soulever de malaises », a-t-il dit, sans toutefois remettre en question les compétences du candidat ou l’impartialité de la Cour du Québec.
Grosse fin de semaine en vue
M. Legault a ainsi donné le coup d’envoi à une importante fin de semaine pour la Coalition avenir Québec, dont les militants se réunissent en congrès à Sherbrooke samedi et dimanche.
Malgré cette nouvelle controverse impliquant son ministre de la Justice, qui survient après les décisions de renoncer au tunnel autoroutier Québec-Lévis puis de hausser de 30 % la rémunération des députés, le chef caquiste a confié sa fébrilité quant au vote de confiance auquel il se soumettra en fin de semaine. « Quand on gouverne, on prend des décisions, on peut décevoir des gens. Mais j’ai confiance que les gens vont m’appuyer », a-t-il dit.
Concernant la hausse des salaires des élus, M. Legault a dit avoir confiance que tous ses députés l’appuyaient. « Je pense que oui », a-t-il dit. Présent à ses côtés, le député de Richmond-Arthabaska, André Bachand, a affirmé que la mesure est le produit d’un « consensus » du caucus caquiste.
Cette bonification, qui fera passer l’allocation de base à 131 766 $, doit entrer « en vigueur dans le mandat actuel », a affirmé le premier ministre.