Le Devoir

Legault ignorait que Jolin-Barrette avait soumis le nom d’un ami à la magistratu­re

Le premier ministre nie toute apparence de conflit d’intérêts et assure que les règles en vigueur sont suffisante­s

- ALEXANDRE ROBILLARD À SHERBROOKE

Le premier ministre François Legault a déclaré vendredi qu’il ignorait les liens d’amitié unissant son ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et un aspirant juge quand sa nomination a été entérinée par le Conseil des ministres.

M. Legault a commenté la publicatio­n d’un reportage du quotidien Le Soleil révélant que Charles-Olivier Gosselin, nommé le 3 mai à un poste de juge à la Cour du Québec, est un ami personnel du ministre. « Je ne le savais pas, je l’ai su dans le journal ce matin », a-t-il dit en marge d’une visite dans une installati­on de culture de tulipes.

Le premier ministre a affirmé qu’aucune règle n’empêche un ministre de proposer la candidatur­e d’un ami. Il a d’ailleurs affirmé qu’il ne s’informe pas de liens personnels dans les nomination­s soumises par ses ministres. « Il y a beaucoup de nomination­s qui sont adoptées par le Conseil des ministres et la seule question que je pose, c’est si les règles ont été suivies », a précisé M. Legault, en disant également ignorer si M. Jolin-Barrette a nommé d’autres amis à la magistratu­re.

Le premier ministre s’est porté à la défense du processus en vigueur pour écarter toute apparence de conflit d’intérêts. « Comment peut-on parler d’un conflit d’intérêts à partir du moment où les personnes sont choisies par un comité indépendan­t ? »

M. Legault a fait valoir qu’un comité indépendan­t fait une, deux ou trois propositio­ns au ministre de la Justice, qui décide ensuite quel nom sera soumis au Conseil des ministres, étape finale du processus de nomination à la magistratu­re.

La saga des Post-it

Le premier ministre a fait référence aux changement­s apportés à la suite de la commission Bastarache, mandatée en 2010 en raison d’une controvers­e sur les liens entre le Parti libéral du Québec et la nomination de magistrats par le gouverneme­nt Charest. « Avant, on sait comment ça marchait, il y avait un Post-it et on disait “cette personne est sympathisa­nte de tel parti, on devrait la nommer”. Ça ne marche plus de même. Il y a un comité indépendan­t qui fait le tri, qui rencontre les différents candidats et un maximum de trois noms est soumis. »

M. Legault a défendu la compétence du nouveau magistrat, qui a étudié le droit avec M. Jolin-Barrette. « On ne peut pas dire que parce que cette personne est connue du ministre […] elle ne doit pas être nommée », a-t-il expliqué.

Selon le premier ministre, les règles en vigueur actuelleme­nt sont suffisante­s pour préserver les nomination­s des juges de toute apparence de conflit d’intérêts. « Je pense que les règles sont suffisante­s depuis la commission Bastarache. »

Le juge Gosselin, nommé à la Chambre criminelle de la Cour du Québec, et M. Jolin-Barrette se connaissen­t depuis l’université et se fréquenten­t encore une ou deux fois par année, a rapporté Le Soleil. M. Jolin-Barrette a d’ailleurs célébré le mariage de son ami en 2015.

Une nomination aussi importante ne doit pas soulever de malaises ANDRÉ MORIN

Le député libéral André Morin, porteparol­e en matière de justice, a déclaré que le ministre a une obligation morale de ne soulever aucun doute quant aux nomination­s qu’il soumet au Conseil des ministres. « Une nomination aussi importante ne doit pas soulever de malaises », a-t-il dit, sans toutefois remettre en question les compétence­s du candidat ou l’impartiali­té de la Cour du Québec.

Grosse fin de semaine en vue

M. Legault a ainsi donné le coup d’envoi à une importante fin de semaine pour la Coalition avenir Québec, dont les militants se réunissent en congrès à Sherbrooke samedi et dimanche.

Malgré cette nouvelle controvers­e impliquant son ministre de la Justice, qui survient après les décisions de renoncer au tunnel autoroutie­r Québec-Lévis puis de hausser de 30 % la rémunérati­on des députés, le chef caquiste a confié sa fébrilité quant au vote de confiance auquel il se soumettra en fin de semaine. « Quand on gouverne, on prend des décisions, on peut décevoir des gens. Mais j’ai confiance que les gens vont m’appuyer », a-t-il dit.

Concernant la hausse des salaires des élus, M. Legault a dit avoir confiance que tous ses députés l’appuyaient. « Je pense que oui », a-t-il dit. Présent à ses côtés, le député de Richmond-Arthabaska, André Bachand, a affirmé que la mesure est le produit d’un « consensus » du caucus caquiste.

Cette bonificati­on, qui fera passer l’allocation de base à 131 766 $, doit entrer « en vigueur dans le mandat actuel », a affirmé le premier ministre.

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