Le Devoir

Vive la pelouse libre… en ville

Bien qu’interdites dans de nombreuses municipali­tés, les cours naturelles comportent un certain nombre d’avantages, soutiennen­t des écologiste­s

- MORGAN LOWRIE

Les municipali­tés semblent moins réticentes à l’idée de laisser les cours de leurs citoyens à leur état naturel. Les écologiste­s soutiennen­t que les cours naturelles comportent un certain nombre d’avantages : une biodiversi­té accrue, de la nourriture pour les oiseaux et les insectes, un moins grand besoin d’eau et de pesticides et une réduction de l’effet d’îlot de chaleur urbain. Le gazon, au contraire, peut être gourmand et est essentiell­ement une monocultur­e.

Malgré cela, il est toujours interdit de faire pousser des légumes, du gazon naturel ou des fleurs sauvages en avant de sa maison dans de nombreuses villes.

Dany Baillargeo­n, lui, s’est lancé dans « la désobéissa­nce horticole ».

Le résidant de Sherbrooke laisse la pelouse pousser naturellem­ent en avant de sa maison, même s’il court le risque d’enfreindre les règlements municipaux.

Il décrit sa pelouse comme un « joli chaos ». Elle est peuplée de fleurs sauvages, de trèfle, de thym et d’herbes hautes. Les papillons, les abeilles et les oiseaux viennent souvent la visiter.

« J’ai laissé la nature et les plantes prendre l’espace qui leur revient », explique M. Baillargeo­n.

Sa municipali­té interdit de laisser la végétation pousser « à une hauteur excessive de manière à causer un préjudice esthétique ou autre au voisinage ou de créer un risque pour la sécurité ».

Mais l’applicatio­n repose en grande partie sur les plaintes, croit M. Baillargeo­n. Il a pris soin d’expliquer son projet à ses voisins. S’il a reçu quelques regards désapproba­teurs, personne ne s’est plaint. Au contraire, son « jardin » et lui sont devenus une sorte de sensation locale.

Prise de conscience

La tolérance envers M. Baillargeo­n est un exemple de la façon dont les attitudes ont changé, souligne Dan Kraus, biologiste à Conservati­on de la nature Canada. Les espaces plus naturels ont gagné en popularité au cours des dernières années, car les gens sont devenus plus conscients de leurs avantages.

« Nous observons un changement d’esthétique sur ce que doit être une pelouse. De plus en plus de personnes pensent que leurs cours, ou même les parcs municipaux, doivent être des lieux où laisser vivre la nature en milieu urbain », dit M. Kraus.

Cette prise de conscience a incité certaines municipali­tés à modifier leurs règlements sur la hauteur du gazon. Certaines envisagent même de les abandonner complèteme­nt.

À Montréal, par exemple, l’arrondisse­ment de Rosemont–La Petite-Patrie a récemment annoncé qu’il plantera deux « microforêt­s » dans des parcs locaux. L’arrondisse­ment de Verdun a « renaturali­sé » certaines parcelles en freinant l’utilisatio­n de la tondeuse au profit de la croissance des graminées naturelles.

L’administra­tion centrale a entrepris une réflexion à ce sujet, disant envisager d’autres mesures pour soutenir cette stratégie : la pratique de l’apiculture urbaine sur son territoire, l’intégratio­n de la protection des pollinisat­eurs dans l’ensemble des programmes de verdisseme­nt de la Ville ou la sensibilis­ation de la population à l’importance des pollinisat­eurs.

Autre exemple chez nos voisins ontariens : Toronto impose aux propriétai­res de tondre l’herbe lorsqu’elle atteint une hauteur supérieure à 20 centimètre­s, mais permet aux résidents de demander une « exemption de jardin naturel ». Cette exigence pourrait toutefois être supprimée selon un avis affiché sur le site Internet de la municipali­té.

M. Kraus dit que les villes peuvent réduire les coûts d’entretien des pelouses en les tondant moins fréquemmen­t. Cela permettrai­t aussi de réduire le ruissellem­ent qui pénètre dans les égouts pluviaux et les cours d’eau. Il ajoute qu’il a été prouvé que l’accès à la nature — même quelque chose d’aussi simple que d’observer des oiseaux — améliore le bien-être mental des gens.

M. Baillargeo­n se dit heureux d’apporter sa petite contributi­on pour aider l’environnem­ent et changer les mentalités.

Il ne veut pas critiquer ceux qui préfèrent une pelouse bien entretenue. Toutefois, il pense que le temps est venu de remettre en question les convention­s au sujet de ce qui est esthétique ou pas. On doit accepter ceux qui veulent faire les choses différemme­nt.

Son message est résumé par le panneau installé sur sa pelouse pour expliquer son idée à ses voisins. On y lit : « C’est la cohabitati­on qui rend le tout magnifique ».

 ?? PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE ?? Il est toujours interdit de faire pousser des légumes, du gazon naturel ou des fleurs sauvages en avant de sa maison dans de nombreuses villes de la province. Sur la photo, un espace renaturali­sé, à Montréal.
PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE Il est toujours interdit de faire pousser des légumes, du gazon naturel ou des fleurs sauvages en avant de sa maison dans de nombreuses villes de la province. Sur la photo, un espace renaturali­sé, à Montréal.

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