Le Devoir

Arts visuels

La transforma­tion en profondeur pour se défaire de son étiquette blanche et coloniale sonne la fin des concours

- JÉRÔME DELGADO COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Le flocon de neige au coeur du nouveau logo du Club de foot de Montréal fait rire Leila Zelli. « On dirait un club de ski », clame l’artiste passionnée de ballon rond, qui n’avait pas le coeur à rire lorsqu’elle a tourné la vidéo Substitute (2019), à même le stade Saputo, l’enceinte du désormais ex-Impact de Montréal.

Réalisée avec la contributi­on de Guillaume Pascale, l’oeuvre rend hommage à l’Iranienne Sahar Khodayari, qui s’est immolée en 2019 afin de contester la peine qu’elle encourait pour avoir voulu assister à un match de soccer. « Son histoire m’a touchée. Ça m’a rappelé quand j’étais en Iran et que je ne pouvais pas entrer au stade parce que j’étais une femme, dit Leila Zelli. Chaque fois que je vais au stade Saputo, je suis consciente de la chance d’être là. »

Deux images tirées de Substitute font partie de la vingtaine de pièces qui ont enrichi en 2020 la collection Prêt d’oeuvres d’art (CPOA) du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Un lot particuliè­rement symbolique : il est le dernier d’une longue histoire bâtie à coups d’oeuvres pouvant s’insérer dans un bureau. Finis les concours annuels qui ont permis aux artistes sousreprés­entés d’être considérés, comme Zelli, ou comme Moridja Kitenge Banza, Cindy Phenix, Marigold Santos et Adam Basanta, qui y ont fait leur apparition en 2019.

« Près de 40 ans après sa création, la CPOA sera métamorpho­sée afin que les activités du Musée se rapprochen­t d’une volonté de mieux servir la communauté artistique québécoise. Dans l’attente de ces changement­s de fond qui devraient graduellem­ent prendre place cette année, le concours de la CPOA n’est pas maintenu », lit-on dans une missive du 6 janvier signée Annie Gauthier, directrice des collection­s et des exposition­s.

Envoyé à des organismes comme le Regroupeme­nt des centres d’artistes autogérés du Québec ou l’Associatio­n des galeries d’art contempora­in (AGAC), l’avis se veut rassurant : « Le budget alloué à la CPOA sera redistribu­é afin de continuer à soutenir le milieu des galeries ainsi que les artistes non représenté­s par ces dernières. »

Modèle d’affaires à revoir

Mise sur pied en 1982 par le ministère des Affaires culturelle­s, la CPOA vise à promouvoir et à diffuser l’art contempora­in du Québec. Si elle constitue une porte d’entrée au musée en marge de la collection dite permanente, elle est aussi une formidable vitrine. Ce sont les officines de l’État et les bureaux des firmes privées qui louent les oeuvres de la CPOA. Et le musée aimerait ajouter les écoles et organismes communauta­ires parmi les points de chute.

Responsabl­e du développem­ent des collection­s au MNBAQ, Bernard Lamarche a confirmé au téléphone ce que le musée énonce discrèteme­nt sur son site Web. « Des concours [menant à l’acquisitio­n des oeuvres], il n’y en aura plus. D’autres décisions, ralenties

 ?? IDRA LABRIE MNBAQ ?? Authentiqu­e no 1, Moridja Kitenge Banza, 2017
© Moridja Kitenge Banza
IDRA LABRIE MNBAQ Authentiqu­e no 1, Moridja Kitenge Banza, 2017 © Moridja Kitenge Banza

Newspapers in French

Newspapers from Canada