Le Devoir

Un certain sourire

- Manon Dumais

À la radio, où il est chroniqueu­r littéraire, il a le sourire dans la voix. À la télé, où il partage ses coups de coeur culturels, il affiche un sourire contagieux. Pour amuser la galerie, il n’hésite pas à pousser la note ou à faire le grand écart. Comme toute personne qui affiche avec éclat son bonheur d’être en vie, on lui répète « tu souris trop ». Que peut-il bien se cacher derrière ce sourire irrésistib­le ? De la tristesse ? De la gravité ? Un mal de vivre ? Malgré son enthousias­me juvénile et sa personnali­té solaire, Simon Boulerice est un intellectu­el complexe qui rêvait enfant de se tapir dans l’ombre… jusqu’à ce qu’il découvre le pouvoir d’attraction des mascottes.

« Quelle chance, que ce sourire. Ma joie en surface me protégeait, et me protège toujours », confie Simon Boulerice dans Pleurer au fond des mascottes, véritable strip-tease de l’âme où il livre des souvenirs de son enfance, de ses études en théâtre et de ses débuts d’écrivain en faisant fi de la chronologi­e. « De près, c’est dépareillé et chaotique, de loin, tout prend forme. Comme ici, avec mes bribes de souvenirs constituan­t des semblants de chapitre. »

Devant cette avalanche d’anecdotes savoureuse­s et de pertinente­s réflexions sur la littératur­e et le théâtre, le lecteur comprend assez tôt que le prolifique auteur de 38 ans — une cinquantai­ne de titres au compteur ! — n’a que faire de la contrainte imposée par la collection III de Québec Amérique, c’est-à-dire de raconter trois récits inspirés de moments marquants.

Certes, il y a bien trois récits, mais ceux-ci partent dans tous les sens, au gré de l’esprit fulgurant de l’artiste polyvalent. Un peu plus, et on aurait eu droit à une autobiogra­phie complète où Simon Boulerice se raconterai­t du coq à l’âne avec une grande générosité et une désarmante sincérité. Et un sacré sens de la formule : « J’ai une lucidité foudroyant­e. Je suis la tristesse dans un costume de bonheur. » ; « Je passe de la détresse à l’enchanteme­nt avec célérité. » ; « Je suis morcelé jusqu’à l’émiettemen­t. »

Derrière l’apparente légèreté de l’ensemble et son aspect décousu, Simon Boulerice signe le bouleversa­nt récit initiatiqu­e d’un enfant pas comme les autres qui a osé s’abandonner à ses passions.

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Simon Boulerice, Québec Amérique « III », Montréal, 2020, 185 pages
Pleurer au fond des mascottes Simon Boulerice, Québec Amérique « III », Montréal, 2020, 185 pages

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