Un certain sourire
À la radio, où il est chroniqueur littéraire, il a le sourire dans la voix. À la télé, où il partage ses coups de coeur culturels, il affiche un sourire contagieux. Pour amuser la galerie, il n’hésite pas à pousser la note ou à faire le grand écart. Comme toute personne qui affiche avec éclat son bonheur d’être en vie, on lui répète « tu souris trop ». Que peut-il bien se cacher derrière ce sourire irrésistible ? De la tristesse ? De la gravité ? Un mal de vivre ? Malgré son enthousiasme juvénile et sa personnalité solaire, Simon Boulerice est un intellectuel complexe qui rêvait enfant de se tapir dans l’ombre… jusqu’à ce qu’il découvre le pouvoir d’attraction des mascottes.
« Quelle chance, que ce sourire. Ma joie en surface me protégeait, et me protège toujours », confie Simon Boulerice dans Pleurer au fond des mascottes, véritable strip-tease de l’âme où il livre des souvenirs de son enfance, de ses études en théâtre et de ses débuts d’écrivain en faisant fi de la chronologie. « De près, c’est dépareillé et chaotique, de loin, tout prend forme. Comme ici, avec mes bribes de souvenirs constituant des semblants de chapitre. »
Devant cette avalanche d’anecdotes savoureuses et de pertinentes réflexions sur la littérature et le théâtre, le lecteur comprend assez tôt que le prolifique auteur de 38 ans — une cinquantaine de titres au compteur ! — n’a que faire de la contrainte imposée par la collection III de Québec Amérique, c’est-à-dire de raconter trois récits inspirés de moments marquants.
Certes, il y a bien trois récits, mais ceux-ci partent dans tous les sens, au gré de l’esprit fulgurant de l’artiste polyvalent. Un peu plus, et on aurait eu droit à une autobiographie complète où Simon Boulerice se raconterait du coq à l’âne avec une grande générosité et une désarmante sincérité. Et un sacré sens de la formule : « J’ai une lucidité foudroyante. Je suis la tristesse dans un costume de bonheur. » ; « Je passe de la détresse à l’enchantement avec célérité. » ; « Je suis morcelé jusqu’à l’émiettement. »
Derrière l’apparente légèreté de l’ensemble et son aspect décousu, Simon Boulerice signe le bouleversant récit initiatique d’un enfant pas comme les autres qui a osé s’abandonner à ses passions.