Le Devoir

La décarbonat­ion, un enjeu incontourn­able même pour les puissances pétrolière­s

- FRANÇOIS DESJARDINS

Même si les efforts consistant à jeter les bases d’un avenir sobre en carbone peuvent être variables d’un pays à l’autre, le mouvement « est extrêmemen­t puissant », observe le président du Conseil mondial de l’énergie, Jean-Marie Dauger, selon qui il « s’exerce même dans des pays producteur­s » de pétrole.

« Nous avons tenu notre dernier congrès à Abou Dhabi [en 2019]. Et j’ai été surpris de voir tous les ministres saoudiens, des Émirats, etc., parler de l’après-pétrole pour leur pays. C’est un sujet auquel plus personne ne peut échapper », a dit M. Dauger mercredi lors d’une conversati­on virtuelle avec la p.-d.g. d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, organisée pour les membres du Conseil des relations internatio­nales de Montréal (CORIM).

Né au début du XXe siècle, le Conseil mondial de l’énergie se veut un forum d’analyse impartial couvrant les différente­s sources produites et consommées dans le monde, tant les hydrocarbu­res que les énergies renouvelab­les, comme le solaire, l’hydroélect­ricité, la bioénergie et l’éolien.

Pour les sociétés pétrolière­s, il y a « un véritable enjeu », a dit M. Dauger, en poste depuis l’an dernier. « Le pic pétrolier sera atteint dans le courant de cette décennie probableme­nt. Et l’ordre du jour climatique, si j’ose dire, s’installe durablemen­t, me semble-t-il. »

Mais il y a « un paradoxe » à travers tout ça. « C’est que si les compagnies pétrolière­s ont tout intérêt à s’impliquer dans la décarbonat­ion, y compris de leurs propres usages, et notamment à s’investir, me semble-t-il, dans les techniques de stockage et d’extraction du CO2 pour s’assurer un futur, dans le même temps, avec tous les scénarios qu’on peut faire, le pétrole, et les hydrocarbu­res de façon générale, couvre encore près des deux tiers des besoins à l’horizon 2040, voire 2050. Donc le pétrole est là pour longtemps. »

À plus brève échéance, toutefois, l’avenir recèle de nombreuses inconnues, conséquenc­e évidente de la crise de la COVID-19 qui semble en voie de ramener la consommati­on de pétrole brut de 2020 à ses niveaux de 2012, selon les récentes prévisions de l’Agence internatio­nale de l’énergie. En avril seulement, il était question d’un retour assez lointain dans le temps, 1995 pour être plus précis.

La crise, qui touche tant les gouverneme­nts que les population­s et les entreprise­s, apporte son lot de questions. Quelle place occupera la transition énergétiqu­e dans les plans de relance ? Les entreprise­s seront-elles en mesure de financer adéquateme­nt les projets qui étaient sur la table ? « Même avant la crise, les besoins d’investisse­ment étaient déjà considérab­les », a dit M. Dauger.

Selon le président du CME, il semble aussi que le « poids des problémati­ques de résilience va être plutôt accru dans toutes les réflexions stratégiqu­es » sur l’énergie. « Cette préoccupat­ion des résilience­s, de la résilience de nos systèmes économique­s et énergétiqu­es, va plutôt pousser vers une accélérati­on de ce qu’on appelle la transition énergétiqu­e. » Mais il y a un doute, nuance-t-il. « Il vient essentiell­ement de la capacité des gouverneme­nts et des entreprise­s à soutenir les besoins d’investisse­ment. Mais de toutes les crises naissent des occasions. Et la difficulté qu’on a quand on est au milieu de la tempête, c’est de déterminer quelles sont les avenues qui s’ouvrent et celles qui ne s’ouvrent plus. »

Le mouvement est « extrêmemen­t puissant », selon le président du Conseil mondial de l’énergie, Jean-Marie Dauger

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ALBERTO PIZZOLI AGENCE FRANCE-PRESSE Le pic pétrolier sera atteint dans le courant de cette décennie probableme­nt, selon Jean-Marie Dauger.

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