La décarbonation, un enjeu incontournable même pour les puissances pétrolières
Même si les efforts consistant à jeter les bases d’un avenir sobre en carbone peuvent être variables d’un pays à l’autre, le mouvement « est extrêmement puissant », observe le président du Conseil mondial de l’énergie, Jean-Marie Dauger, selon qui il « s’exerce même dans des pays producteurs » de pétrole.
« Nous avons tenu notre dernier congrès à Abou Dhabi [en 2019]. Et j’ai été surpris de voir tous les ministres saoudiens, des Émirats, etc., parler de l’après-pétrole pour leur pays. C’est un sujet auquel plus personne ne peut échapper », a dit M. Dauger mercredi lors d’une conversation virtuelle avec la p.-d.g. d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, organisée pour les membres du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).
Né au début du XXe siècle, le Conseil mondial de l’énergie se veut un forum d’analyse impartial couvrant les différentes sources produites et consommées dans le monde, tant les hydrocarbures que les énergies renouvelables, comme le solaire, l’hydroélectricité, la bioénergie et l’éolien.
Pour les sociétés pétrolières, il y a « un véritable enjeu », a dit M. Dauger, en poste depuis l’an dernier. « Le pic pétrolier sera atteint dans le courant de cette décennie probablement. Et l’ordre du jour climatique, si j’ose dire, s’installe durablement, me semble-t-il. »
Mais il y a « un paradoxe » à travers tout ça. « C’est que si les compagnies pétrolières ont tout intérêt à s’impliquer dans la décarbonation, y compris de leurs propres usages, et notamment à s’investir, me semble-t-il, dans les techniques de stockage et d’extraction du CO2 pour s’assurer un futur, dans le même temps, avec tous les scénarios qu’on peut faire, le pétrole, et les hydrocarbures de façon générale, couvre encore près des deux tiers des besoins à l’horizon 2040, voire 2050. Donc le pétrole est là pour longtemps. »
À plus brève échéance, toutefois, l’avenir recèle de nombreuses inconnues, conséquence évidente de la crise de la COVID-19 qui semble en voie de ramener la consommation de pétrole brut de 2020 à ses niveaux de 2012, selon les récentes prévisions de l’Agence internationale de l’énergie. En avril seulement, il était question d’un retour assez lointain dans le temps, 1995 pour être plus précis.
La crise, qui touche tant les gouvernements que les populations et les entreprises, apporte son lot de questions. Quelle place occupera la transition énergétique dans les plans de relance ? Les entreprises seront-elles en mesure de financer adéquatement les projets qui étaient sur la table ? « Même avant la crise, les besoins d’investissement étaient déjà considérables », a dit M. Dauger.
Selon le président du CME, il semble aussi que le « poids des problématiques de résilience va être plutôt accru dans toutes les réflexions stratégiques » sur l’énergie. « Cette préoccupation des résiliences, de la résilience de nos systèmes économiques et énergétiques, va plutôt pousser vers une accélération de ce qu’on appelle la transition énergétique. » Mais il y a un doute, nuance-t-il. « Il vient essentiellement de la capacité des gouvernements et des entreprises à soutenir les besoins d’investissement. Mais de toutes les crises naissent des occasions. Et la difficulté qu’on a quand on est au milieu de la tempête, c’est de déterminer quelles sont les avenues qui s’ouvrent et celles qui ne s’ouvrent plus. »
Le mouvement est « extrêmement puissant », selon le président du Conseil mondial de l’énergie, Jean-Marie Dauger