Changement de ton
Le premier ministre François Legault est revenu ragaillardi de sa rencontre de lundi dernier avec ses homologues des provinces maritimes. Nous sommes loin de la Baie-James du XXIe siècle que le chef caquiste faisait miroiter, avec un enthousiasme débordant, devant les membres de son parti en 2016. Les perspectives sont beaucoup plus limitées, mais l’intérêt que manifestent le Nouveau-Brunswick et la NouvelleÉcosse pour l’hydroélectricité québécoise est bien réel. Et la lutte contre les changements climatiques n’est pas étrangère à cette ouverture.
Qui plus est, le premier ministre libéral de TerreNeuve-et-Labrador, Dwight Ball, a enterré la hache de guerre et les vieilles récriminations envers le Québec liées au fameux contrat d’électricité de Churchill Falls. Il se dit maintenant ouvert à une collaboration avec le Québec pour développer des projets hydroélectriques. Il faut dire qu’il tente de recoller les pots cassés par le belliqueux premier ministre Danny Williams, qui s’est lancé tête première dans le projet de Muskrat Falls, refusant de recourir à l’expertise d’Hydro-Québec. Cumulant retards et dépassements de coûts faramineux, le projet est en train de couler les finances publiques terre-neuviennes, tellement qu’Ottawa envisage de renflouer la province.
La semaine dernière, Hydro-Québec et Énergie NB signaient un contrat de 20 ans portant sur l’achat par la société d’État néo-brunswickoise de 47 térawatts-heure d’électricité du Québec, pour un peu plus de 100 millions par an. C’est un début.
Plus important encore pour la suite des choses, le Québec et le NouveauBrunswick amorceront des discussions sur la construction de lignes d’interconnexion en vue de la vente d’électricité aux provinces maritimes et aux États-Unis.
Pour le premier ministre conservateur du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, c’est tout un revirement, lui qui, il n’y a pas si longtemps, dénonçait vertement le Québec pour son refus de laisser le pipeline d’Énergie Est traverser son territoire pour rejoindre les raffineries de Saint-Jean. Il a enfin compris que le projet est bel et bien mort et enterré. Autre revirement : à la suite de la réélection du gouvernement Trudeau, Blaine Higgs envisage désormais l’imposition d’une taxe carbone dans sa province.
La lutte contre les changements climatiques imposera de nouveaux impératifs tant au Nouveau-Brunswick qu’à la Nouvelle-Écosse. Si ces deux provinces sont sérieuses dans leur volonté de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre — et Ottawa ajoutera son poids pour affermir cette volonté —, elles devront se résigner à fermer leurs centrales thermiques au charbon. En Nouvelle-Écosse, les centrales au charbon comptent pour près de 60% de la production d’électricité. Au NouveauBrunswick, les combustibles fossiles comptent aussi pour une part non négligeable de la production d’électricité, soit 36 % au total et 20 % pour le charbon.
L’an dernier, François Legault est revenu Gros-Jean comme devant d’une rencontre avec le premier ministre Doug Ford, qui n’a montré aucun intérêt pour les grands plans hydroélectriques de son homologue québécois. Pour l’heure, l’Ontario mise sur la réfection de son imposant parc de centrales nucléaires. Quand le gouvernement ontarien verra les énormes factures rentrer, son point de vue pourrait changer. C’est ce qu’on espère à Québec, mais ce n’est pas pour demain.
Or, en portant son regard vers l’est, François Legault peut apercevoir d’intéressants débouchés, bien que plus modestes, pour l’hydroélectricité québécoise. Dans ce contexte, l’interconnexion des réseaux s’impose et le Québec ne peut qu’en profiter.