Le Devoir

Changement de ton

- ROBERT DUTRISAC

Le premier ministre François Legault est revenu ragaillard­i de sa rencontre de lundi dernier avec ses homologues des provinces maritimes. Nous sommes loin de la Baie-James du XXIe siècle que le chef caquiste faisait miroiter, avec un enthousias­me débordant, devant les membres de son parti en 2016. Les perspectiv­es sont beaucoup plus limitées, mais l’intérêt que manifesten­t le Nouveau-Brunswick et la NouvelleÉc­osse pour l’hydroélect­ricité québécoise est bien réel. Et la lutte contre les changement­s climatique­s n’est pas étrangère à cette ouverture.

Qui plus est, le premier ministre libéral de TerreNeuve-et-Labrador, Dwight Ball, a enterré la hache de guerre et les vieilles récriminat­ions envers le Québec liées au fameux contrat d’électricit­é de Churchill Falls. Il se dit maintenant ouvert à une collaborat­ion avec le Québec pour développer des projets hydroélect­riques. Il faut dire qu’il tente de recoller les pots cassés par le belliqueux premier ministre Danny Williams, qui s’est lancé tête première dans le projet de Muskrat Falls, refusant de recourir à l’expertise d’Hydro-Québec. Cumulant retards et dépassemen­ts de coûts faramineux, le projet est en train de couler les finances publiques terre-neuviennes, tellement qu’Ottawa envisage de renflouer la province.

La semaine dernière, Hydro-Québec et Énergie NB signaient un contrat de 20 ans portant sur l’achat par la société d’État néo-brunswicko­ise de 47 térawatts-heure d’électricit­é du Québec, pour un peu plus de 100 millions par an. C’est un début.

Plus important encore pour la suite des choses, le Québec et le NouveauBru­nswick amorceront des discussion­s sur la constructi­on de lignes d’interconne­xion en vue de la vente d’électricit­é aux provinces maritimes et aux États-Unis.

Pour le premier ministre conservate­ur du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, c’est tout un revirement, lui qui, il n’y a pas si longtemps, dénonçait vertement le Québec pour son refus de laisser le pipeline d’Énergie Est traverser son territoire pour rejoindre les raffinerie­s de Saint-Jean. Il a enfin compris que le projet est bel et bien mort et enterré. Autre revirement : à la suite de la réélection du gouverneme­nt Trudeau, Blaine Higgs envisage désormais l’imposition d’une taxe carbone dans sa province.

La lutte contre les changement­s climatique­s imposera de nouveaux impératifs tant au Nouveau-Brunswick qu’à la Nouvelle-Écosse. Si ces deux provinces sont sérieuses dans leur volonté de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre — et Ottawa ajoutera son poids pour affermir cette volonté —, elles devront se résigner à fermer leurs centrales thermiques au charbon. En Nouvelle-Écosse, les centrales au charbon comptent pour près de 60% de la production d’électricit­é. Au NouveauBru­nswick, les combustibl­es fossiles comptent aussi pour une part non négligeabl­e de la production d’électricit­é, soit 36 % au total et 20 % pour le charbon.

L’an dernier, François Legault est revenu Gros-Jean comme devant d’une rencontre avec le premier ministre Doug Ford, qui n’a montré aucun intérêt pour les grands plans hydroélect­riques de son homologue québécois. Pour l’heure, l’Ontario mise sur la réfection de son imposant parc de centrales nucléaires. Quand le gouverneme­nt ontarien verra les énormes factures rentrer, son point de vue pourrait changer. C’est ce qu’on espère à Québec, mais ce n’est pas pour demain.

Or, en portant son regard vers l’est, François Legault peut apercevoir d’intéressan­ts débouchés, bien que plus modestes, pour l’hydroélect­ricité québécoise. Dans ce contexte, l’interconne­xion des réseaux s’impose et le Québec ne peut qu’en profiter.

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