Le Devoir

Comment les conservate­urs jugeront-ils Jean Charest ?

Les nouvelles révélation­s de l’enquête Mâchurer risquent de nuire à l’ancien premier ministre s’il se lance dans la course à la direction du Parti conservate­ur

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

L’enquête Mâchurer revient hanter Jean Charest alors qu’il s’apprête à annoncer s’il briguera la direction du Parti conservate­ur du Canada. Ses partisans clament son innocence, rappelant qu’il ne fait l’objet d’aucune accusation. Mais d’autres conservate­urs estiment que ces nouvelles allégation­s risquent de lui faire mal, s’il se lance dans la course, et qu’il devrait peut-être même en être disqualifi­é.

Plusieurs conservate­urs citaient déjà l’existence de l’enquête — qui est toujours en cours et qui viserait toujours M. Charest, selon le Journal de Québec — comme étant une ombre qui planerait assurément au-dessus de la possible candidatur­e de l’ancien premier ministre du Québec. Mais voilà que de nouvelles allégation­s viennent raviver ces inquiétude­s.

La Cour suprême a permis jeudi de lever l’interdit de publicatio­n sur des documents judiciaire­s qui font état d’allégation­s de financemen­t du Parti libéral du Québec par des firmes d’ingénierie, par l’entremise de prête-noms et dans l’espoir d’obtenir en retour des contrats du gouverneme­nt libéral. L’argent aurait transité par Marc Bibeau, l’argentier du parti lorsque Jean Charest en était le chef. Des témoins présentent les deux hommes, dans ces documents, comme étant « de très bons amis » ou « comme des frères ».

L’homme d’affaires Vincenzo Guzzo, qui a renoncé à briguer la chefferie conservatr­ice pour appuyer M. Charest, n’y voit rien de neuf. « Si les allégation­s sont les mêmes qu’elles étaient il y a six ans, soit que M. Charest était supposémen­t le chef d’orchestre mais qu’on n’a pas de lien direct qui le relie [aux allégation­s], pour moi, c’est des ouï-dire », a-t-il affirmé au Devoir.

L’ex-ministre conservate­ur Lawrence Cannon a lui aussi défendu M. Charest. «J’ai constaté comme bien des gens qu’il n’y a toujours pas d’accusation­s qui sont portées contre M. Charest », a-t-il noté, à l’instar de M. Guzzo. M. Cannon compte appuyer l’ex-premier ministre québécois si celui-ci brigue la direction du Parti conservate­ur. Et il estime que les autorités devraient le blanchir une fois pour toutes plutôt que « de garder cette espèce de scénario qui fait qu’une personne, qui est innocentée jusqu’à preuve du contraire, soit condamnée par l’opinion publique sur la place publique parce qu’on laisse planer le doute ».

La chefferie inaccessib­le ?

Le sénateur conservate­ur Leo Housakos croit toutefois que M. Charest aura du mal à se présenter à la chefferie de son parti s’il fait l’objet d’une enquête.

Le Parti conservate­ur interroge tous les aspirants candidats sur leurs antécédent­s judiciaire­s et leur demande s’ils font ou ont fait l’objet d’une enquête criminelle. Un comité d’investitur­e évalue ensuite leur dossier et décide s’ils pourront être de la course.

« Si, dans le formulaire, il répond qu’il

Si, dans le formulaire, il répond qu’il est sous enquête policière criminelle, je pense que le parti va être obligé de disqualifi­er » sa candidatur­e LEO HOUSAKOS

est sous enquête policière criminelle, je pense que le parti va être obligé de disqualifi­er sa candidatur­e », a supputé le sénateur. Une source au parti prédisait cependant cette semaine que le Parti conservate­ur préférerai­t probableme­nt laisser le soin à ses membres de décider du sort d’un candidat se trouvant dans une telle situation.

Une autre source conservatr­ice croit que le retour de l’enquête Mâchurer sur la place publique ne peut que nuire à M. Charest. « Ça vient remettre dans la place publique des allégation­s de comporteme­nt inappropri­é. Et ça, quand tu veux te présenter dans un poste de cette nature-là, c’est la dernière chose dont tu as besoin. »

La teneur de l’enquête Mâchurer est davantage connue au Québec. Des conservate­urs de l’Ouest consultés avant Noël n’étaient pas au fait de ses tenants et aboutissan­ts. « Ils ne connaissen­t pas les détails. Mais ils sont au courant qu’il y a une enquête policière et c’est suffisant », relate cependant une seconde source du Devoir, qui prédit elle aussi que ce dossier va causer des ennuis à Jean Charest.

Car les membres conservate­urs sont « allergique­s » à ce genre d’allégation­s, explique cette personne.

« Ils associent ce genre de choses aux libéraux et aux gouverneme­nts libéraux », résume-t-elle, en rappelant que Stephen Harper a été élu au pouvoir à la suite du scandale des commandite­s au Parti libéral du Canada.

Jean Charest était aux funéraille­s de l’ancien politicien terre-neuvien John Crosbie jeudi. Il n’a pas répondu aux demandes d’entrevue du Devoir.

Newspapers in French

Newspapers from Canada