Le Devoir

Pétrole albertain : le marché accueille bien la baisse

Le cours du baril de pétrole canadien a bondi après l’annonce d’une réduction de production obligatoir­e

- FRANÇOIS DESJARDINS

Le prix du pétrole canadien a bondi lundi, mais il faudra du temps pour savoir si les mesures prises par le gouverneme­nt Notley auront vraiment un effet durable, ont estimé des experts lundi au lendemain de l’annonce d’une réduction de production obligatoir­e.

Montrant du doigt l’insuffisan­ce des oléoducs pour exporter la ressource, la première ministre Rachel Notley a annoncé dimanche soir une baisse de 8,7 % de la production à compter de janvier 2019, soit l’équivalent de 325 000 barils par jour. Selon elle, le prix déprimé coûte présenteme­nt 80 millions par jour à l’économie canadienne.

Selon ce que la première ministre a indiqué dimanche, on estime présenteme­nt à 35 millions de barils les quantités stockées, un niveau qui représente le double de la situation normale.

«En avril, qu’en sera-t-il de ces volumes ? Quelle certitude y aura-t-il ? […] Quand y aura-t-il une réponse appréciabl­e sur les prix ? », a dit en entrevue Joseph Doucet, doyen de la Faculté d’administra­tion de l’Université de l’Alberta et expert des enjeux énergétiqu­es.

« Il y a de l’incertitud­e quant aux volumes de pétrole brut en stockage en Alberta présenteme­nt. Ce sont des chiffres que les entreprise­s gardent un peu jalousemen­t, car il y a un élément stratégiqu­e dans ces informatio­ns-là », a ajouté M. Doucet.

Première hausse

Au coeur du problème figure la différence de prix du pétrole West Texas Intermedia­te (WTI) et le Western Canadian Select (WCS), un écart qui a déjà oscillé entre 30 et 50 $US. L’écart s’est rétréci à environ 20 $ lundi, en raison d’une hausse du cours du WCS. Quant au baril du WTI pour livraison en janvier 2019, il se négociait à 53,18 $, en hausse de 2,25 $.

En Bourse, la valeur des titres des sociétés qui exploitent les sables bitumineux a fortement augmenté. Canadian Natural Resources, par exemple, a grimpé de 9,6 % à 36,58 $, alors que Cenovus a vu son titre bondir de 12 % à 10,99 $.

Après un boom économique impression­nant allant de pair avec le développem­ent des sables bitumineux, le secteur pétrolier albertain a vu le vent tourner depuis quelques années, une situation qui a eu des effets sur le marché du travail. De mai à octobre 2018, le taux de chômage en Alberta est passé de 6,2 % à 7,3 %.

« Les ressources énergétiqu­es dans le sol appartienn­ent à tous les Albertains, et il nous incombe de défendre ces ressources », a affirmé dimanche la première ministre, Rachel Notley.

« Mais en ce moment, elles se vendent au rabais. Nous devons agir immédiatem­ent, et nous devons le faire ensemble. »

Certains pourraient dire que le gouverneme­nt Notley aurait dû agir il y a six mois ou un an, mais « l’écart [des prix canadiens et américains] était beaucoup moins important il y a un an, et il y avait fort à parier qu’on allait pouvoir aller de l’avant avec Trans Mountain, etc.», a dit Joseph Doucet. On prévoyait déjà une baisse des investisse­ments en forages cet hiver, mais le geste vient accélérer les choses, car il touche directemen­t la production.

Effet sur l’économie canadienne

Pour illustrer la place qu’occupe l’exploitati­on des ressources pétrolière­s dans l’économie canadienne et les exportatio­ns, on s’attend à ce que la réduction de production obligatoir­e retranche 0,1 % à 0,2 % à la croissance du produit intérieur brut canadien en 2019.

« Des écarts de prix draconiens doivent mener à des mesures draconienn­es », a écrit la Banque TD dans une note d’analyse. Le plan « devrait aider » à composer avec les problèmes de prix, selon l’économiste Brian DePratto. Cependant, si l’écart entre le WCS et le WTI s’est réduit d’environ 10 $ lundi matin, « la durée de cela » reste à être déterminée. « Le pétrole est une industrie mondiale, et le mouvement du cours du WTI peut peser plus lourd que l’évolution de l’écart. »

Le gouverneme­nt de la Saskatchew­an a indiqué qu’il n’emboîterai­t pas le pas à l’Alberta, car la gamme des pétroles qui sortent du sol est plus diversifié­e, a indiqué sur Facebook son premier ministre, Scott Moe. Cela dit, il « comprend » l’Alberta et souhaite l’expansion du réseau des oléoducs pour pouvoir vendre le pétrole « à sa juste valeur ».

Suncor « étudie » l’annonce du gouverneme­nt Notley. « Nous croyons que le marché est le moyen le plus efficace pour équilibrer l’offre et la demande et pour aplanir les écarts. »

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JASON FRANSON LA PRESSE CANADIENNE Fort McMurray, en Alberta

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