Sauve qui peut la vie !
Un tireur fou sévit dans une école secondaire tandis que cinq élèves sont barricadés dans les toilettes
En apparence, les productions pour ados ne font pas dans la subtilité: au théâtre comme en littérature, on va droit au but et on dit les choses comme elles sont.
L’important, c’est de capter l’attention et de susciter l’intérêt en évoquant des préoccupations d’adolescents: de préférence, dans la langue qu’ils parlent. Point.
Mais ce n’est pas tout à fait vrai, pas «complètement» vrai, devrait-on plutôt dire. Et ce gros roman de près de 500 pages en est une illustration bien concrète.
Derrière les personnages
Le récit s’amorce de façon radicale : cinq jeunes se retrouvent barricadés dans les toilettes des garçons d’une école secondaire. Il y a là deux filles et trois garçons, cinq personnages aux antipodes les uns des autres, réunis par le hasard à la suite d’une alerte de confinement.
Leurs différences s’accentueront encore plus quand ils réaliseront qu’il ne s’agit pas d’un exercice, mais qu’un véritable tireur fou court dans les corridors de l’école.
Le huis clos particulièrement intense se déroulera sur une période d’une heure ; avant que les cinq occupants sortent en trombe pour la scène finale, on aura eu le temps de tout apprendre d’eux, ou presque.
Surtout de voir disparaître le masque que chacun d’eux arbore en se cachant derrière le personnage de composition qu’ils endossent en mettant le pied à l’école.
Bien sûr, on découvrira là des êtres meurtris, beaucoup plus complexes qu’ils ne le laissent croire au départ.
Bien au-delà de l’intrigue habilement construite — et malheureusement brûlante d’actualité —, c’est cette découverte progressive qui rend le livre intéressant.
Ceux qui se terrent derrière les clichés d’un langage stéréotypé tout comme derrière l’image qu’ils présentent aux autres sont en fait — comme tous les personnages construits pour plaire ou pour répondre à une fonction — immensément plus fragiles et vulnérables qu’ils paraissent l’être. Sauf bien sûr Noah, l’autiste du collège, dont la petite soeur, la très littéraire Alice, s’occupe avec dévouement.
Cela vaut autant pour Alice, que l’on découvrira torturée, que pour le personnage de Hogan, qui est beaucoup plus intéressant que la «brute sans culture » qu’il semble être.
Pour Isabelle aussi, «la fille parfaite», l’hyperperformante présidente de l’école, et pour Alex, le « nerd de service» qui se cache, lui, derrière l’objectif de sa caméra. La crise provoquée autant par l’enfermement que par la présence du danger fera éclater ces constructions de surface pour dévoiler des univers troubles et des vies déchirées.
Septième roman
Caroline Pignat, qui enseigne au secondaire dans la région d’Ottawa, sait visiblement raconter ses histoires aux adolescents puisqu’elle en est déjà à son septième roman; deux d’entre eux (Greener Grass en 2009 et The Gospel Truth en 2015) lui ont même valu le Prix littéraire du Gouverneur général du Canada. Raison de plus pour offrir ce thriller réussi en cadeau dans quelques semaines…