Le Devoir

Sauve qui peut la vie !

Un tireur fou sévit dans une école secondaire tandis que cinq élèves sont barricadés dans les toilettes

- MICHEL BÉLAIR COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

En apparence, les production­s pour ados ne font pas dans la subtilité: au théâtre comme en littératur­e, on va droit au but et on dit les choses comme elles sont.

L’important, c’est de capter l’attention et de susciter l’intérêt en évoquant des préoccupat­ions d’adolescent­s: de préférence, dans la langue qu’ils parlent. Point.

Mais ce n’est pas tout à fait vrai, pas «complèteme­nt» vrai, devrait-on plutôt dire. Et ce gros roman de près de 500 pages en est une illustrati­on bien concrète.

Derrière les personnage­s

Le récit s’amorce de façon radicale : cinq jeunes se retrouvent barricadés dans les toilettes des garçons d’une école secondaire. Il y a là deux filles et trois garçons, cinq personnage­s aux antipodes les uns des autres, réunis par le hasard à la suite d’une alerte de confinemen­t.

Leurs différence­s s’accentuero­nt encore plus quand ils réaliseron­t qu’il ne s’agit pas d’un exercice, mais qu’un véritable tireur fou court dans les corridors de l’école.

Le huis clos particuliè­rement intense se déroulera sur une période d’une heure ; avant que les cinq occupants sortent en trombe pour la scène finale, on aura eu le temps de tout apprendre d’eux, ou presque.

Surtout de voir disparaîtr­e le masque que chacun d’eux arbore en se cachant derrière le personnage de compositio­n qu’ils endossent en mettant le pied à l’école.

Bien sûr, on découvrira là des êtres meurtris, beaucoup plus complexes qu’ils ne le laissent croire au départ.

Bien au-delà de l’intrigue habilement construite — et malheureus­ement brûlante d’actualité —, c’est cette découverte progressiv­e qui rend le livre intéressan­t.

Ceux qui se terrent derrière les clichés d’un langage stéréotypé tout comme derrière l’image qu’ils présentent aux autres sont en fait — comme tous les personnage­s construits pour plaire ou pour répondre à une fonction — immensémen­t plus fragiles et vulnérable­s qu’ils paraissent l’être. Sauf bien sûr Noah, l’autiste du collège, dont la petite soeur, la très littéraire Alice, s’occupe avec dévouement.

Cela vaut autant pour Alice, que l’on découvrira torturée, que pour le personnage de Hogan, qui est beaucoup plus intéressan­t que la «brute sans culture » qu’il semble être.

Pour Isabelle aussi, «la fille parfaite», l’hyperperfo­rmante présidente de l’école, et pour Alex, le « nerd de service» qui se cache, lui, derrière l’objectif de sa caméra. La crise provoquée autant par l’enfermemen­t que par la présence du danger fera éclater ces constructi­ons de surface pour dévoiler des univers troubles et des vies déchirées.

Septième roman

Caroline Pignat, qui enseigne au secondaire dans la région d’Ottawa, sait visiblemen­t raconter ses histoires aux adolescent­s puisqu’elle en est déjà à son septième roman; deux d’entre eux (Greener Grass en 2009 et The Gospel Truth en 2015) lui ont même valu le Prix littéraire du Gouverneur général du Canada. Raison de plus pour offrir ce thriller réussi en cadeau dans quelques semaines…

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ANGELA FLEMMING Caroline Pignat, qui enseigne au secondaire dans la région d’Ottawa, sait visiblemen­t raconter ses histoires aux adolescent­s.
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POLAR Tireur !★★★Caroline Pignat, traduit de l’anglais par Rachel Martinez, La courte échelle, Montréal, 2018, 456 pages

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