Le Devoir

Les communicat­ions ne tiennent qu’à un fil

Les Madelinots veulent des assurances pour la suite des choses

- MARCO BÉLAIR-CIRINO CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Les îles de la Madeleine demandent à être dotées du « système » de communicat­ions « le plus robuste possible ». Au lendemain de la tempête de vent qui a frappé l’archipel, son système actuel ne tient qu’à un fil.

«Ce que ça démontre, c’est qu’il faut avoir le système le plus robuste possible. Il faut prendre les moyens pour procéder aux réparation­s ou, à tout le moins, que le gouverneme­nt se porte garant de l’infrastruc­ture », fait valoir le coordonnat­eur des opérations courantes du Réseau intégré de communicat­ions électroniq­ues des îles de la Madeleine (RICEIM), Joël Bourque, dans un entretien avec Le Devoir. Le câble de fibre optique constitue un « projet très structuran­t » pour la communauté, insiste-t-il.

Le COGIM 2 (Câble optique Gaspésie Îles-de-la-Madeleine 2) a été « complèteme­nt sectionné » à environ trente kilomètres au large de l’archipel du golfe du Saint-Laurent, jeudi matin. Le COGIM 1 n’a pas automatiqu­ement pris le relais, coupant les quelque 12 000 habitants des îles du reste du monde. «Généraleme­nt, lorsqu’une section d’un câble [est rompue], automatiqu­ement, tout le trafic est transféré sur le deuxième segment. Ça ne s’est pas produit [jeudi] matin», explique M. Bourque. L’opération a été effectuée manuelleme­nt jeudi à 22 h 15.

« Les câbles, comme n’importe infrastruc­ture en milieu marin, sont soumis à des assauts bien importants. Ce n’est pas facile, dans le secteur », souligne-til, montrant du doigt «l’absence de glace » et « les vents forts » observés. Si « les éléments de la nature ont contribué fort possibleme­nt » au bris du segment, « toutes sortes d’hypothèses » étaient mises à l’épreuve vendredi afin d’expliquer le bris. Parmi elles, «ça peut être une ancre de bateau qui a accroché les deux [câbles] et qui a fait “swigner” toute l’infrastruc­ture », mentionne M. Bourque.

L’assureur évaluait les dégâts vendredi. Il s’agit du troisième bris en quatre ans. Les deux autres bris remontent à mai 2012 et janvier 2016. Il y a près de trois ans, pas moins de 850 000 $ avaient été versés par la compagnie d’assurance. Joël Bourque craint de voir la prime « explo- ser » lors du renouvelle­ment de la police d’assurance ou, pire, de voir les câbles jugés non assurables. « Ça devrait être couvert par la police d’assurance, mais on se questionne beaucoup quant à l’assurabili­té de l’infrastruc­ture pour 2019 », lance le gestionnai­re de l’infrastruc­ture au téléphone.

Le gouverneme­nt québécois pourrait se porter garant des deux câbles, suggère-til. « Il faut quand même réaliser que le câble a été déployé il y a quinze ans. La technologi­e remonte à 2003, 2004. »

À Québec, la ministre déléguée au Développem­ent économique régional, Marie-Eve Proulx, n’écartait pas la possibilit­é de déployer un nouveau câble entre la Gaspésie et les îles de la Madeleine un projet reporté dans des délais raisonnabl­es. « Vu que le deuxième câble est sectionné c’est ce qui est arrivé [jeudi]. Ça nous amène à réagir avec urgence », a-t-elle déclaré vendredi.

À Ottawa, le ministre de l’Infrastruc­ture et des Collectivi­tés, François-Philippe Champagne, n’excluait pas vendredi la possibilit­é d’appuyer financière­ment un tel projet. « On est prêts à regarder tout ce qu’on peut faire évidemment pour les Madelinots. C’est une situation très particuliè­re », a-t-il noté.

M. Bourque dissuade les décideurs politiques de s’associer avec HydroQuébe­c, qui songe sérieuseme­nt à raccorder les îles de la Madeleine avec un câble électrique sous-marin et à fermer la centrale au diesel en 2025. « On le voit avec l’épisode actuelleme­nt, l’horizon 2024-2025, c’est peut-être un peu loin », dit-il.

La ministre québécoise de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a souligné que « la phase de rétablisse­ment [d’un lien sous-marin] va se faire dans un deuxième temps ». « Pour l’instant, on est dans l’interventi­on, dans l’urgence, dans les besoins immédiats », a insisté Mme Guilbault.

Près de 2000 foyers étaient toujours privés d’électricit­é, a indiqué la municipali­té des Îles-de-la-Madeleine vendredi.

Un avion d’Hydro-Québec s’est posé jeudi, en fin de soirée, sur les Îles. « Ces gens-là d’Hydro-Québec, bien sûr, vont travailler à renforcer le système pour essayer de rétablir l’électricit­é dans ces foyers », a dit Mme Guilbault.

Un avion des Forces armées canadienne­s a fait de même vendredi après-midi.

Les Forces armées canadienne­s offriront un soutien aérien en plus de mener «des patrouille­s de santé et de bien-être », a précisé le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale. Jusqu’à 250 membres des Forces armées canadienne­s fouleront le sol de l’archipel.

« Au total, une centaine de personnes […] vont prêter main-forte aux Madelinots », a dit Geneviève Guilbault. « Évidemment, je ne veux pas occuper, dans l’un des rares avions qui peuvent se rendre, la place de quelqu’un qui serait autrement plus utile », a ajouté la ministre. Elle se rendra sur les lieux samedi, a-t-elle précisé en soirée.

Généraleme­nt, lorsqu’une section d’un câble [est rompue], automatiqu­ement, tout le trafic est transféré sur le deuxième segment. Ça ne s’est pas produit [jeudi] matin. JOËL BOURQUE

 ?? NIGEL QUINN LA PRESSE CANADIENNE ?? Un avion de l’armée canadienne a atterri sur les îles de la Madeleine, vendredi, afin de prêter main-forte aux insulaires, qui ont été coupés du reste du monde jeudi à la suite du bris d’un câble.
NIGEL QUINN LA PRESSE CANADIENNE Un avion de l’armée canadienne a atterri sur les îles de la Madeleine, vendredi, afin de prêter main-forte aux insulaires, qui ont été coupés du reste du monde jeudi à la suite du bris d’un câble.

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