Le Devoir

Ralph, dans le bain du commerce en ligne

La production de Disney Ralph brise l’Internet met en scène ses produits, non sans un brin d’autocritiq­ue

- JÉRÔME DELGADO COLLABORAT­EUR Ralph brise l’Internet (V.F. de Ralph Breaks the Internet) ★★ 1/2 Film d’animation de Rich Moore et Phil Johnston, États-Unis, 2018, 112 minutes.

Les suites de films à succès nous convient toujours à un exercice d’amour-haine. La joie de retrouver nos héros et la déception de vivre des aventures pas si nouvelles vont nécessaire­ment de pair. Ralph brise l’Internet (Rich Moore et Phil Johnston), suite des Mondes de Ralph (Rich Moore), n’y échappe pas.

Comme bien des héros du cinéma d’animation avant lui, le costaud et sympathiqu­e Ralph La Casse reprend du service (toujours avec Philippe Laprise dans la version québécoise), en posant pied dans un monde qui lui est inconnu. Flash McQueen (Cars) quittait son bled du désert pour un périple planétaire, Pocahontas, ses terres du Nouveau Monde pour la découverte de l’Europe… Ralph abandonne, lui, l’univers désuet des arcades pour l’immatériel et vaste Internet.

C’est en compagnie de sa désormais grande amie et coureuse automobile Vanellope (Catherine Brunet, également de retour) que l’ancien destructeu­r de bâtiments part en mission. Leur périple a une noble et réelle quête : trouver la pièce qui remettra en service la machine du jeu où Vanellope s’active.

En soi, nos deux héros cherchent à préserver leur mode de vie, leur monde en réseau fermé, aux frontières limitées. Le wifi leur est d’ailleurs interdit. C’est néanmoins cet espace si mystérieux, aux codes uniques, qu’ils affrontero­nt.

Les codes narratifs, Ralph brise l’Internet ne les bouscule pas tant que ça. Paradoxale­ment, c’est l’ennui causé par la routine de Vanellope qui est à l’origine de la trame, comme jadis l’avait été celui de Ralph. Une fois dans le 2.0, ils éviteront escrocs et pièges, dont un virus vorace et rapide, non sans être aidés par des samaritain­s de service.

Il ne manque pas grand-chose à cette fresque technologi­que pour qu’elle décolle. L’allégorie du nouveau territoire à explorer et à conquérir est fascinante dans sa mise en images. L’aire d’arrivée est une sorte de Times Square quatre fois plus garni.

La présence bien nette des Amazon et autres eBay nous ramène cependant vite sur terre. Impossible de ne pas y voir que cette prise deux d’un film si joliment naïf est cadenassée à des marques. Et aux produits de Pixar, Lucasfilm ou Marvel, firmes sous l’emprise de Disney.

Il y a tout de même de beaux choix, tels que le personnage JeSaisTout (Benoît Brière) en guise de moteur de recherche. Bien que le personnage titre demeure masculin, Vanellope a pris de l’importance. En réalité, les personnage­s féminins abondent, entre une nouvelle coureuse automobile, leader de son jeu virtuel, et Yesss, la chef des algorithme­s.

Enfin, comment ne pas noter le recyclage des princesses Disney? De Cendrillon à Jasmine, de Blanche-Neige à Mulan, Pocahontas, Belle, Ariel la sirène, Merida la rebelle… L’intrusion de Vanellope parmi ces quatorze femmes idéalisées ne se fait pas sans (auto)critique.

L’ère post-#MeToo a débuté, même dans le royaume des princesses. La nouvelle venue les éveille à l’idée de dénoncer une séquestrat­ion et à se demander pourquoi, dans chaque récit, un « homme fort et puissant » vient à leur secours. La scène est non seulement vive et pleine de rebondisse­ments, elle est drôle et cynique.

 ?? WALT DISNEY STUDIOS MOTION PICTURES CANADA ?? C’est en compagnie de sa désormais grande amie et coureuse automobile Vanellope que Ralph part en mission.
WALT DISNEY STUDIOS MOTION PICTURES CANADA C’est en compagnie de sa désormais grande amie et coureuse automobile Vanellope que Ralph part en mission.

Newspapers in French

Newspapers from Canada