Le Devoir

Découvrir Yves Boisvert en trois livres

- Dominic Tardif

Le poète et journalist­e Tony Tremblay écrit pour le défunt mensuel littéraire Lectures lorsqu’Yves Boisvert met le pied dans son appartemen­t, pour une entrevue, en 1994. «Je lui ai refilé le manuscrit de mon premier livre, Contagion, et il me l’a renvoyé un mois et demi plus tard avec des X sur des pages, sur lesquelles c’était écrit: “Pas bon”. Je lui en ai voulu quelques semaines, puis j’ai entièremen­t retravaill­é le recueil. » Le lecteur fidèle, puis ami admiratif, propose trois titres afin d’aborder l’oeuvre aussi vaste qu’hirsute de celui qui, depuis sa mort il y a bientôt six ans, « manque à la communauté de la parole libre ».

Mourir épuise (1974)

« C’est le livre, son deuxième, où Yves Boisvert dit: “Je suis tellement tanné de mourir que vous ne m’y prendrez plus.” C’est là que s’amorce sa véhémence, sa rébellion contre tout ce qui aliène la tendresse. Il ne voulait “plus jamais baisser les yeux devant les accableurs tracassier­s de la pure menace”. Il s’élevait contre tout ce qui empêche de vivre humainemen­t. »

Gardez tout (1987)

« De la poésie presque punk, sans que ce soit affirmé comme tel, parce qu’il y a à la fois l’envie infinie de recevoir l’amour du monde et la conscience que le monde n’est plus capable de cet amour à cause d’un paquet de facteurs politiques et économique­s. Son recueil le plus important, le plus percutant, le plus marquant, dans lequel il se questionne sur le statut social du poète dans la société. »

Une saison au coeur de la reine (2011)

« Un hommage à la ville de Sherbrooke et un regard sans complaisan­ce sur les pauvres, sur ces gens qui acceptent sans chigner les absurdités du monde, la violence incarnée par l’aménagemen­t urbain. Il y a encore une véhémence, mais aussi une sagesse. Le poète a vieilli et il se fait davantage observateu­r. Il revient à une poésie classique, mais en s’en moquant : “Au carrefour des rues infernales / à délirer entre trois Nords / un homme s’endort sur le grand mal / de se faire écraser par les chars.” C’est Yves Boisvert qui tente de donner de l’amour, de manière parfois un peu bourrue, à ses concitoyen­s. »

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