Le Devoir

Royalmount : il faut éviter le pire

- Jean-Claude Marsan Professeur émérite à l’Université de Montréal

À Montréal, comme un peu partout ailleurs, l’urbanisme a beaucoup évolué depuis les années 1960. À l’époque, un des objectifs principaux consistait à relier les banlieues à la ville. Comme l’utilisatio­n de l’automobile était en essor, c’est l’autoroute qui s’est imposée : le tout-àla voiture est devenu la solution. Or, aujourd’hui, on se trouve dans une tout autre situation : non seulement les autoroutes sont congestion­nées, mais les véhicules à moteur thermique contribuen­t d’une façon alarmante aux changement­s climatique­s. C’est désormais le transport collectif et actif qui doit prendre la relève, tout le monde ou presque en convient.

Les aménagemen­ts urbains qui favorisent le plus le transport collectif et actif sont les quartiers résidentie­ls de type TOD (transitori­ented developmen­t), à savoir des quartiers axés sur le transport en commun accessible à distance de marche. Le développem­ent de ce type de quartiers est désormais privilégié par le Plan métropolit­ain de développem­ent et d’aménagemen­t (PMAD). Deux sites sur l’île montréalai­se se prêtent d’une façon remarquabl­e à ce type de développem­ent, d’autant plus que la Ville de Montréal a un grand besoin de logements familiaux. D’abord celui de l’ancien Hippodrome de Montréal, dans l’arrondisse­ment Côte-desNeiges–Notre-Dame-de-Grâce, situé dans un rayon d’un kilomètre de la station de métro Namur. Puis, adjacent du côté nord, celui de Mont-Royal à l’intersecti­on des autoroutes 15 et 40, lequel est également à distance de marche de la station de métro De la Savane.

Une catastroph­e annoncée

Si le projet de développem­ent du site de l’ancien Hippodrome de Montréal est encore à venir, ce n’est pas le cas pour celui de Mont-Royal. Séduite par le projet du promoteur Carbonleo, lequel projet s’avère plus ou moins une copie du Dix30 à Brossard, l’administra­tion du maire Philippe Roy a ouvert toute grande la porte à une catastroph­e annoncée. Car ce projet constitue une intrusion de la vie de banlieue en pleine ville et, sur le plan de l’urbanisme, il représente un recul d’une cinquantai­ne d’années.

Le promoteur Carbonleo a beau prétendre que son projet n’accroîtra pas la congestion de l’intersecti­on des autoroutes 15 et 40 parce que nombre de gens vont prendre le métro pour s’y rendre, son pressentim­ent est de l’ordre de l’ignorance ou de l’illusion. Car, comme il l’a déjà laissé entendre, son projet s’adressera surtout aux résidents hors de l’île de Montréal. Or ces personnes ne sont pas toutes des adeptes du transport en commun, d’autant que la plupart n’ont pas facilement accès au métro. Bref ce n’est pas une passerelle audessus de l’autoroute Décarie pour relier Royalmount à la station De la Savane qui va les séduire.

Le projet Royalmount va nuire en plus aux centres commerciau­x situés dans le voisinage, dont le Centre Rockland, Place Vertu et le Marché Central. Ce déséquilib­re aura également des conséquenc­es dommageabl­es. Pour n’en nommer qu’une, les revenus de taxes que la Ville de Mont-Royal et la Ville de Montréal pourront récolter du Royalmount seront nécessaire­ment diminués par la baisse de revenus de ces centres commerciau­x mis en concurrenc­e.

À Montréal, dans le passé, certains projets désastreux ont heureuseme­nt été mis sur une tablette grâce à la lutte de citoyens. On peut signaler, notamment, celui de la fermeture de l’avenue McGill College. C’est à ce type de stratégie qu’il faut avoir recours maintenant pour éviter la catastroph­e prévisible du projet Royalmount. Il importe que les citoyens de Mont-Royal, qui comptent parmi les plus choyés de la métropole, aient le courage de faire comprendre à leur maire Roy qu’il s’est embourbé dans une voie sans issue. Parce qu’ils seront les plus touchés, il faut surtout que les citoyens de la Ville de Montréal appuient massivemen­t et publiqueme­nt l’administra­tion de Valérie Plante dans ses efforts pour mettre sur une tablette ce projet de banlieue fort désastreux.

Ce projet constitue une intrusion de la vie de banlieue en pleine ville et, sur le plan de l’urbanisme, il représente un recul d’une cinquantai­ne d’années

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