Le Devoir

PREMIERS PAS AU PARLEMENT

La députée Christine Labrie face au trône |

- PREMIERS PAS AU PARLEMENT ISABELLE PORTER À QUÉBEC

Quel que soit son avenir politique, la députée solidaire de Sherbrooke, Christine Labrie, ne risque pas de s’asseoir un jour sur le siège de la présidence de l’Assemblée nationale. À moins peutêtre qu’on change le mobilier. Lors de sa première visite au parlement il y a quelques mois, elle dit avoir été frappée par une chose : l’imposant trône en bois sculpté du président de l’Assemblée. « Ça m’a vraiment mise mal à l’aise », dit-elle.

Elle a alors pensé aux révélation­s des médias sur les fastes repas au homard du président de l’époque, Jacques Chagnon, et les missions bien arrosées de certains élus à l’étranger. «Disons que, quand j’ai vu le trône sur lequel on l’assoyait, ça ne m’a pas étonnée que cette personne-là, qui est assise là depuis des années, en vienne à sentir qu’elle devrait avoir plus de privilèges que les autres. »

Christine Labrie s’exprime calmement et ses propos sont entrecoupé­s d’éclats de rire gênés. Or la nouvelle députée de Sherbrooke n’a visiblemen­t rien à envier aux Catherine Dorion et autres solidaires en matière d’indignatio­n.

« Moi, j’ai des gens qui m’envoient des vidéos de leurs dents. Leurs dents les font tellement souffrir qu’ils sont obligés de se mettre en arrêt de travail, qu’ils envisagent de se mettre sur l’aide sociale pour pouvoir se payer des soins dentaires, parce que l’estimation du dentiste leur dit que ça leur coûterait 7000 ou 8000 $ pour régler leur problème. C’est ça que j’ai en tête quand je les représente, alors c’est sûr que, quand je vois le trône doré à l’Assemblée nationale, j’ai un profond malaise », explique-t-elle.

Une historienn­e

Âgée de 31 ans, Christine Labrie a fait ses débuts en politique au municipal, l’an dernier, au sein du parti d’opposition Sherbrooke Citoyen (SC). Malgré la défaite (de justesse), elle sort de l’expérience avec l’envie de « continuer à s’engager». «J’avais senti que j’étais capable de redonner aux gens confiance dans la politique », poursuit la députée.

Son passage au municipal l’a sensibilis­ée notamment au dossier du transport en commun. À Sherbrooke, le réseau est « axé sur les besoins des étudiants, pas assez sur ceux des travailleu­rs, souligne-t-elle. Ça fait en sorte que c’est très difficile de se promener autrement qu’en voiture. »

Même si elle est mère de trois enfants, cela ne l’empêche pas de se déplacer à vélo l’été et en autobus l’hiver. Jusqu’à présent, son « horaire atypique » lui facilitait la tâche, concède-t-elle.

Historienn­e, elle a entrepris un doctorat sur le sujet tabou des femmes qui ont donné leur enfant en adoption à l’époque de l’après-guerre. Elle a trouvé 15 femmes qui ont accepté de lui raconter leur histoire. Ces rencontres permettent, à son avis, de mesurer l’impact des mentalités et des services d’une époque sur les choix individuel­s. « Même si c’est un phénomène assez lointain, ça vient toucher des situations qui se passent en ce moment: comment les gens se retrouvent à prendre des décisions qu’ils ne prendraien­t peutêtre pas s’ils avaient des ressources à leur dispositio­n. »

Parlant de ressources, elle a parlé beaucoup de santé mentale en campagne électorale, en s’engageant notamment à créer un centre de crise communauta­ire à Sherbrooke si les solidaires étaient élus. « Je ne compte plus les personnes autour de moi qui ont traversé des périodes difficiles, que ce soit de l’épuisement, une dépression ou d’autres troubles. Je sais à quel point ça se répercute sur les proches, fait-elle valoir. On a fait du chemin ces dernières années, mais je trouve qu’on n’a pas suffisamme­nt de services pour aider les gens qui décident de briser le tabou et demander de l’aide. Ici, en Estrie, quand les gens appellent au CIUSS pour avoir du soutien psychologi­que, la liste d’attente pour rencontrer un psychologu­e peut dépasser un an. »

J’avais senti que j’étais capable de redonner aux gens confiance » dans la politique CHRISTINE LABRIE

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Lors de sa première visite au parlement il y a quelques mois, Christine Labrie dit avoir été frappée par une chose : l’imposant trône en bois sculpté du président de l’Assemblée.

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