Une exposition pour les 70 ans du manifeste Refus global
Le manifeste est considéré comme précurseur de la Révolution tranquille
Ils avaient l’âge de toutes les audaces. Et ils les ont eues toutes. Soixante-dix ans plus tard, il reste d’eux le manifeste Refus global, que seize artistes signèrent à Montréal en 1948 pour la liberté dans l’art. À l’occasion de cet anniversaire, l’espace musée du siège social de Québecor, rue Saint-Jacques, accueille une exposition présentant certaines archives du manifeste, ainsi que des oeuvres de certains de ses signataires.
C’est l’original appartenant à Claude Simon, conseiller artistique de l’exposition, et rédacteur des textes qui l’accompagnent, qui est exposé ici, avec différents textes qui en faisaient partie. « Le règne de la peur multiforme est terminé », écrit Paul-Émile Borduas, l’initiateur de Refus global, qui perdra d’ailleurs son emploi de professeur à l’École du meuble de Montréal, sous les pressions de l’Église et du ministère de l’Éducation, à la suite de la parution du manifeste. « L’académisme est un cercle vicieux », écrit la danseuse et artiste en arts visuels Françoise Sullivan, toujours vivante, à laquelle le Musée d’art contemporain consacrera bientôt une importante rétrospective. « L’oeuvre picturale est une expérience », écrivait le psychanalyste et psychiatre Bruno Cormier, également signataire du manifeste.
Contact avec les surréalistes
On baptisera le mouvement pictural célébré autour du manifeste l’automatisme. Paul-Émile Borduas et Fernand Leduc, un autre signataire du manifeste qui rejoindra plus tard le mouvement des plasticiens, sont régulièrement en contact avec les surréalistes et André Breton, avec qui ils entretiennent une correspondance. Leduc dira pourtant que pour Breton, « la peinture était anecdotique », alors que pour les automatistes, « la peinture n’était pas porteuse de message, elle était langage direct, en soi ».
Ce que le groupe conteste d’abord et avant tout, c’est la rigidité de l’enseignement de l’art. Mais on invite les sympathisants à entrer dans l’aventure, à rompre les chaînes. On déplore, dans les institutions d’enseignement, « le règne de la mémoire exploiteuse, de la raison immobile, de l’intention néfaste ».
À l’époque, le manifeste Refus global a été imprimé en 400 exemplaires. Son lancement a eu lieu le 9 août 1948 à la librairie d’Henri Tranquille. Chaque exemplaire était alors vendu pour la somme d’un dollar, rappelle le galeriste Simon Blais, qui est commissaire de l’exposition.
« Aujourd’hui, il en reste de 40 à 60 en circulation», dit-il, et ces exemplaires valent désormais entre 15 000 $ et 30 000 $.
Bien qu’il soit célébré aujourd’hui, le manifeste Refus global a fait peu de bruit en son temps. « À sa sortie, Refus global ne fait pas l’effet d’une bombe dans la société, malgré sa charge virulente contre l’autorité. La réponse la plus brutale, c’est Borduas qui la recevra en perdant son poste d’enseignant à l’École du meuble de Montréal», peut-on lire dans le document explicatif qui accompagne l’exposition.
Reste que, selon Simon Blais, les artistes signataires ont souffert d’ostracisme après la parution du manifeste. Des peintres comme Jean-Paul Riopelle, Fernand Leduc et Marcelle Ferron partiront pour la France. Borduas vivra à New York et mourra, isolé, à Paris.
Plus tard, on considérera que ce document était précurseur de la Révolution tranquille des années 1960. Le volet historique de l’exposition est accompagné de peintures réalisées par les artistes à l’époque de Refus global. Dans l’entrée du siège social, on peut aussi voir des oeuvres plus récentes de Jean-Paul Riopelle, de Pierre Gauvreau et de François Sullivan.
Bien qu’il soit célébré aujourd’hui, le manifeste Refus global
a fait peu de bruit en son temps