Le cirque des mots
La librairie ambulante Le Buvard pose ses chapiteaux dans Hochelaga-Maisonneuve
Si vous connaissez la librairie ambulante Le Buvard, vous savez sans doute que le libraire, auteur et performeur à son origine, Michel Vézina, déteste quand c’est plate. Pour tenter de célébrer la littérature à sa juste valeur — comme une fête —, les chapiteaux du Buvard s’installent place Valois pour une fête foraine littéraire, présentée conjointement dans le cadre du Festival international de la littérature et des Journées de la culture.
« Moi, quand je suis seul avec un livre, c’est une fête, explique Michel Vézina (Asphalte et vodka, Attraper un dindon
sauvage au lasso, Acid run). C’est peutêtre une déformation générationnelle, en vieux punk que je suis… Un livre, c’est un nouvel imaginaire qu’on explore, et quand j’ai cette chance-là, je veux le partager. La meilleure manière de le partager, c’est avec passion. »
Une fête foraine littéraire, n’est-ce pas là une formulation un peu antinomique ? « Quand on entend ça, on peut penser à des manèges et tout ça, mais ce n’est pas vraiment ça. »
Versant dans l’art circassien — il est aussi clown et comédien —, Vézina a voulu recréer les entresorts, ces petits chapiteaux secondaires qui, autour des grandes tentes principales du cirque débarquant en ville, abritaient les freak
shows. Femmes à barbe, bossus, tireuses de cartes.
Autour de la librairie ambulante, qui fera office de chapiteau principal, ces tentes plus petites pourront accueillir les curieux du bouquin.
« On aura donc un tarot littéraire fait par Fanie Demeule, qui va aussi improviser des textes. Serge Lamothe fera des dessins de tests de Rorschach, puis analysera les résultats en poésie. Il y aura la poète Claudine Vachon aussi, mais on ne sait pas encore quelle forme sa participation prendra. »
Et puis, au milieu de ce bal des mots, il y aura lui, Vézina, auteur allergique au drabe et libraire amoureux du contact humain. Il y aura prescriptions et conseils, lectures de poésie, micros ouverts.
« L’idée de départ du Buvard, même si je n’aime pas trop cette expression, c’est de démocratiser la littérature, se rappelle Vézina, trois ans et demi après la création, justement, de cette librairie unique dans le paysage québécois. On veut offrir des choses qui sortent un peu des stricts rangs de la littérature. L’an dernier, au quartier général, on a proposé des soirées de hockey-poésie. On lisait des poèmes entre les périodes du match. Donc, forcément, il y avait un mélange de gens, on assistait à des discussions assez rigolotes. Les personnes venues voir la game n’étaient pas nécessairement là pour entendre des poèmes, et vice-versa. »
Sortir des rayons
Le discours de Vézina met en lumière le besoin de mettre de la vie dans les événements littéraires. Une personne seule sur scène qui déclame des vers, ça peut devenir ennuyant. « Il y a de plus en plus d’événements littéraires intéressants, dit le pilote du Buvard. Depuis 10-12 ans, ça devient plus vivant. Mais avant, c’était plate en tabarouette. J’ai dans l’idée que, de monter sur une scène, c’est un privilège. Si tu montes sur une scène, sois à la hauteur de ce privilège. Donne. Crée le spectaculaire. »
Cette formule de fête foraine est une façon de plus de mener les livres excitants vers les lecteurs. En fait, Le Buvard, cette librairie ambulante basée dans les Cantons-de-l’Est, parcourt les régions du Québec en été et celles de France en hiver), c’est exactement à ça qu’elle sert, aller vers le public de lecteurs.
« On est un peu bonimenteur quand on fait ça, compare Vézina. Dans une librairie traditionnelle, les gens entrent. Le libraire n’a donc pas à les convaincre de prendre un livre, ils sont là pour ça. En librairie ambulante, tu as nécessairement à être dehors, et il te faut vendre ta salade. Il faut savoir attirer le passant dans ce chapiteau-là vers la sélection de ce que tu as à vendre. Chaque boniment, comme ça, c’est une relation avec le public. »
Après la fête de dimanche, la librairie ambulante mettra le cap sur Trois-Rivières, où elle prendra part à L’Off-Festival de poésie. Adeptes montréalais de l’univers déjanté de Vézina, ruez-vous. Il ne passe pas souvent.
« Montréal, ça reste une exception pour moi. Je suis passé il y a trois ans et je m’étais juré de ne plus jamais y retourner. Parce qu’à Montréal, il y a des lancements presque tous les soirs, il y a une grande offre. Mais comme j’ai une belle relation avec le FIL, j’y serai. » Fête foraine littéraire Dimanche, de 14h à 17h Place Valois, Montréal Gratuit
Dans une librairie traditionnelle, le libraire n’a pas à convaincre les gens de prendre un livre, ils sont là pour ça. En librairie ambulante, tu as nécessairement à être dehors et il te faut vendre ta salade. MICHEL VÉZINA