Le Devoir

Pour être député, il faut savoir se taire

- Jacques Dagenais Montréal

Je suis loin d’être un fan de Maxime Bernier et de son parti, mais force est de constater encore une fois que notre système parlementa­ire désuet et rétrograde ainsi que notre mode de scrutin forcent nos députés à répéter la cassette du parti ou à se taire.

Maxime Bernier doit, à cause de ce système, se taire ou partir parce que certaines de ses positions ne sont pas en droite ligne avec celles de son parti et que, sur certains sujets, il est plus conservate­ur ou plus à droite que son chef.

Ce vieux système, où le chef de gouverneme­nt est le chef de parti qui obtient la confiance de la Chambre, donc d’une majorité de députés, condamne ceux-ci au silence lorsqu’ils divergent d’une politique de leur parti. Ce système les empêche également de représente­r correcteme­nt les électeurs de leur circonscri­ption si un projet du gouverneme­nt ou de leur parti va à l’encontre des intérêts de la majorité de ceux-ci.

Seul un système où l’exécutif n’émane pas du législatif et où le chef du gouverneme­nt est élu au suffrage universel permet aux députés plus de liberté d’expression et de représenta­tion.

Notre mode de scrutin uninominal à un tour crée très souvent, dès qu’il y a plus de deux partis, des gouverneme­nts très peu légitimes, élus avec environ 30 % des voix exprimées. Il n’est donc pas surprenant que bien des nouveaux gouverneme­nts se retrouvent avec plus de 60 % d’insatisfac­tion après seulement quelques mois.

Certains diront que c’est peine perdue que de tenter d’instaurer ici un système présidenti­el qui demanderai­t un chambardem­ent constituti­onnel pour se détacher de la monarchie. Je pense au contraire que l’on peut y arriver en modifiant seulement le mode de scrutin pour permettre l’élection du chef du gouverneme­nt au suffrage universel pour un mandat fixe en même temps que les élections législativ­es. On devrait également instaurer le vote majoritair­e à deux tours, comme en France, où l’élu jouit d’une légitimité appuyée sur une majorité d’au moins 50 %+1 des voix exprimées.

Finalement, ce changement au mode de scrutin éliminerai­t également l’instabilit­é anticipée si on décidait d’ajouter une composante de proportion­nelle pour assurer une meilleure représenta­tion des partis et des différents courants d’opinion.

D’ici là, les députés seront condamnés à être des porte-voix du bureau du chef et des ventriloqu­es des lignes du jour sans aucune marge de manoeuvre pour représente­r les courants divergents chez leurs électeurs respectifs.

Malheureus­ement, chaque fois que l’on tente de réformer, s’enclenchen­t des calculs partisans pour chercher le système qui avantagera­it le parti au pouvoir selon les résultats de la dernière élection. Comme ces changement­s doivent recevoir l’aval de l’ensemble des partis pour être recevables, les propositio­ns calculées émanant des gouverneme­nts sont rejetées par les partis d’opposition et la réforme reportée aux calendes grecques. Tout système différent amènerait une dynamique différente et des résultats modifiés ; ces calculs partisans qui bloquent tout changement sont complèteme­nt inutiles.

La qualité de notre vie démocratiq­ue y gagnerait beaucoup si on remplaçait finalement notre vieux système taré pour permettre une meilleure représenta­tivité de l’ensemble des courants de notre société.

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