Le Devoir

ÉLECTIONS 2018

À la veille du déclenchem­ent des élections, l’exercice permettra aux partis politiques d’appuyer leurs plateforme­s respective­s sur des données précises

- MARCO BÉLAIR-CIRINO AMÉLIE DAOUST-BOISVERT FRANÇOIS DESJARDINS

La note de passage au plan financier des libéraux |

Les prévisions de dépenses et de revenus des trois prochaines années du ministre des Finances, Carlos Leitão, sont « plausibles », conclut la vérificatr­ice générale du Québec (VG), Guylaine Leclerc. « Il en va de même du surplus comptable et du solde budgétaire », a-t-elle indiqué à moins de 72 heures du coup d’envoi (officiel) de la campagne électorale.

Une équipe d’une dizaine de personnes — « très expériment­ées », a précisé Mme Leclerc —, qui était épaulée par un comité consultati­f formé d’économiste­s et d’experts en finances publiques, a passé au peigne fin le rapport préélector­al sur l’état des finances publiques du Québec rédigé par l’équipe de M. Leitão. Elle a livré ses conclusion­s lundi. « Ils ont la note de passage, c’est certain », a résumé la VG.

Cet « important exercice démocratiq­ue », qui est désormais possible en raison d’une modificati­on à la Loi sur le vérificate­ur général effectuée en 2015, « permettra, à la veille du déclenchem­ent des élections, à tous les partis politiques de démarrer leur plateforme électorale sur des assises solides », a soutenu Mme Leclerc lundi.

«On ne peut pas être contre l’idée d’un rapport préélector­al », a dit l’exprésiden­t de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise, Luc Godbout, qui milite depuis des années pour un tel examen. Tous les partis sur la ligne de départ ont désormais la même informatio­n, selon lui. « Il est assez détaillé. On retrouve des choses qui ne figurent pas toujours dans les budgets, comme le coût de reconducti­on des dépenses pour maintenir la qualité des services publics », a souligné le professeur à l’Université de Sherbrooke dans un entretien avec Le Devoir.

« Tout le monde part avec la même base, le même cadre », a indiqué le caquiste François Bonnardel. Si la Coalition avenir Québec se voit confier le pouvoir, « on ne jouera pas dans le film “on a trouvé un trou de 1 milliard ou de 3 milliards” », a-t-il annoncé.

Nouvelle marge de manoeuvre

Le gouverneme­nt québécois disposera de quelque 950 millions de dollars supplément­aires par année, de 2018-2019 à 2022-2023, lit-on dans le rapport préélector­al sur l’état des finances publiques du Québec. « Si la situation économique ne se dégrade pas, nous pourrions avoir des surplus », s’est pour sa part contentée de dire Mme Leclerc en conférence de presse. « Différents facteurs pourraient favoriser une augmentati­on des surplus », juge la VG, notamment la taxe sur le cannabis ou la « taxe Netflix » (l’imposition de la TVQ sur les produits numériques). Elle a toutefois précisé que ce sont des « sommes peu significat­ives ».

Les différents partis politiques en lice pour la campagne électorale qui sera officielle­ment lancée jeudi disposent d’une certaine marge de manoeuvre pour leurs promesses.

Si elle est réélue, l’équipe libérale ne laissera pas pour autant « aller les dépenses », a averti le chef libéral, Philippe Couillard. « Ça ne veut pas dire que, parce que tu as des marges de manoeuvre, tu ouvres les vannes, parce que si tu fais ça, tu te donnes rendezvous avec un autre déficit », a-t-il déclaré lundi. «On a plus de flexibilit­é pour faire évoluer [le cadre financier], notamment en éducation et en santé, ce qu’on fera », a-t-il toutefois ajouté.

«Les cadeaux électoraux pleuvent», observe le Parti québécois, avant d’ajouter: «Et, cela ne sert qu’à préparer un nouveau cycle de réduction de services. »

Le cadre financier de la CAQ « respectera la capacité de payer des Québécois », a dit de son côté M. Bonnardel, non moins déterminé à faire la lutte contre le gaspillage.

Après une hausse de 3% en 2016, le produit intérieur brut (PIB) réel au Québec croîtra de 2,1 % en 2018, de 1,7 % en 2019 et de 1,5 % en 2020, prévoit le ministère des Finances. Les risques pesant sur l’économie du Québec demeurent les mêmes: un ralentisse­ment économique mondial généralisé, un resserreme­nt plus rapide que prévu des politiques monétaires dans le monde, une montée des restrictio­ns du commerce à l’échelle mondiale, une évolution des prix du pétrole différente de celle prévue, ainsi qu’un ralentisse­ment plus marqué du secteur résidentie­l canadien.

Si la VG reconnaît le « bon état général» des finances gouverneme­ntales, elle confirme également que « face à plusieurs incertitud­es mondiales, nous disposons de moins en moins de contrôle sur notre croissance économique et sur sa trajectoir­e », fait valoir le Conseil du patronat du Québec (CPQ). Selon le lobby patronal, le parti qui remportera l’élection en octobre « devra donc impérative­ment bichonner notre économie dans le prochain mandat, pour la rendre antichoc», a-t-il déclaré dans un communiqué. Parmi les priorités que préconise le CPQ figurent l’éducation et la formation, de même qu’une fiscalité plus favorable aux entreprise­s. « Actuelleme­nt, on fiscalise à outrance le travail, l’innovation et l’investisse­ment. »

Encre noire

L’année financière 2017-2018 s’est conclue avec des revenus supplément­aires, non prévus, de 1,45 milliard de dollars, confirme le rapport préélector­al du gouverneme­nt. Du coup, elle se soldera par un surplus de 2,3 milliards de dollars.

«On a la confirmati­on que les finances publiques du Québec sont en meilleur état que le gouverneme­nt aime le laisser entendre pour justifier les années d’austérité nocives qu’il a fait vivre au peuple québécois », a déploré le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

Par contre, en 2018-2019, en tenant compte du budget de mars et en y ajoutant les annonces supplément­aires jusqu’en date du 15 août, 637 millions de dollars devront être puisés dans la réserve de stabilisat­ion pour permettre l’atteinte de l’équilibre budgétaire. Guylaine Leclerc dit avoir tenu compte, autant que possible, de toutes les annonces et de leur impact sur le budget. « Les chiffres tiennent encore la route », a-t-elle assuré.

Ça ne veut pas dire que, parce que tu as des marges de manoeuvre, tu ouvres les vannes, parce que si tu fais ça, tu te donnes rendez-vous avec un autre déficit PHILIPPE COUILLARD

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE La vérificatr­ice générale du Québec, Guylaine Leclerc, juge plausibles les prévisions de dépenses et de revenus des trois prochaines années du ministre des Finances, Carlos Leitão.

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