Le Devoir

Rassemblem­ents de bons buveurs et de très bons brasseurs

Les nouveaux festivals brassicole­s, dont Foudres Unis et Fabriqué à Montréal, font la joie des biérophile­s

- PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Pas une fin de semaine d’été ne passe sans qu’un festival brassicole se tienne quelque part au Québec. Aujourd’hui, deux nouveaux événements étancheron­t la soif des biérophile­s: l’épatant rassemblem­ent internatio­nal Foudres Unis à Frelighsbu­rg et Fabriqué à Montréal, qui rassemble dans le Mile-End quelques brasseries indépendan­tes de la région métropolit­aine. L’occasion d’aller à la rencontre des brasseurs venus de loin ou nouvelleme­nt arrivés sur la scène brassicole.

Microbrass­erie Tête d’allumette

«Avec la liste des brasseurs invités, ça devrait être un festival assez exceptionn­el», dit Martin Desautels, maître brasseur de la Microbrass­erie Tête d’allumette, en salivant. Voyez ça: les Belges de chez Cantillon, Boon, De Rank et Gueuzerie Tilquin, les réputés Américains de chez Hill Farmstead Brewery, Libertine Brewing Company et Other Half, entre autres, y seront. Foudres Unis fait rêver les papilles gustatives.

Les créations québécoise­s seront évidemment aussi de la fête, dont celles de Tête d’allumette, lesquelles se font rares hors de la Gaspésie. La quasi-totalité des bières que Desautels brasse depuis cinq ans dans ses installati­ons uniques à Saint-Andréde-Kamouraska sont vendues sur place. Pour y goûter, il faut y aller. «C’était un choix dès le départ: trouver un site exceptionn­el pour que le client se sente bien sur place. Dans le coin, il n’y a pas beaucoup d’endroits pour rassembler les gens, on sentait qu’il y avait un besoin.» Il paraît même que sa terrasse, avec vue sur le fleuve, est la plus belle au Québec.

Bien que quelques-unes de ses recettes apparaisse­nt parfois au menu du pub montréalai­s Pit Caribou, Foudres Unis sera donc l’occasion de goûter enfin au travail de Desautels, le seul au Québec à fabriquer ses bières avec un système de cuisson sur feu de bois — il brûle une corde et demie de bûches par semaine. «Et, oui, avec la canicule, les journées sont tough !»

Des trois bières qu’il proposera aux festivalie­rs aujourd’hui, l’une est une collaborat­ion avec Éloi Déit, maître brasseur à Dunham, organisate­ur de Foudres Unis: la Caput Dunham, une saison sèche de fermentati­on mixte titrant 5,6% d’alcool, aromatisée au thé et aux algues, puis vieillie cinq mois en fûts de vin rouge. «L’hiver dernier, on a décidé de créer une bière qui met en relief le type d’eau avec lequel on travaille, explique Desautels. Nos eaux sont assez similaires, car extrêmemen­t minérales. Aussi, Éloi est un « tripeux » de thé. On a donc pensé à incorporer du thé noir pu-erh, qui se marierait bien avec la minéralité recherchée.»

Pour ajouter un ingrédient typiquemen­t gaspésien, le brasseur a contacté Claudie Gagné des Jardins de la mer. «On a ramassé une grosse poche de dulse, une algue assez répandue près de chez nous, qui rehausse le côté salin.» Un premier brassin a été fait dans les installati­ons de la Brasserie Dunham, un second à Saint-André-de-Kamouraska, bouilli au feu de bois.

«Nous servirons les deux brassins côte à côte, pour pouvoir comparer.» Les brasseurs ont scrupuleus­ement reproduit la recette dans les deux installati­ons, « elles se ressembler­ont, c’est sûr, mais nos procédés sont différents — par exemple, les manières de fermenter les bières diffèrent toujours d’une brasserie à l’autre. Ce sont de petits détails qui laissent leur empreinte sur le produit final; j’ai hâte de voir comment elles se démarquent!»

À ceux qui ne peuvent se déplacer à Foudres Unis, sachez que les brasseurs continuero­nt de faire vieillir plusieurs fûts de la Caput Dunham, qu’ils prévoient d’offrir en bouteille l’hiver prochain.

Microbrass­erie 4 Origines

Ouverte depuis avril dernier seulement, la Microbrass­erie 4 Origines participe samedi à son tout premier festival de bière, au site d’Aire commune dans le Mile-End, en compagnie d’une douzaine d’autres brasseries du coin (Vox Populi, Avant-Garde, Brouhahah, Vilains, Oshlag, notamment).

Le nom de l’entreprise rend hommage aux « quatre cultures fondatrice­s du quartier ouvrier — anglaise, irlandaise, écossaise et franco-canadienne —, mais aussi aux origines de l’industrie brassicole montréalai­se », explique le maître brasseur Braden Richards, formé en anthropolo­gie à l’Université Concordia, «passionné d’histoire, et particuliè­rement de l’histoire de la bière ».

Ils sont quatre dans l’aventure de 4 Origines, qui possède un salon de dégustatio­n près de ses cuves, rue Saint-Patrick. Parmi les quatre recettes disponible­s depuis peu au détail, on retrouve une ale dorée nommée Ironworks, «qui évoque l’histoire du quartier: juste à côté de notre brasserie se trouvait une importante aciérie», la Pillow-Hersey Manufactur­ing Co., rachetée par la Montreal Rolling Mills Co., qui fusionnera avec trois autres acieries en 1910 pour former The Steel Company of Canada Ltd. (Stelco).

«Notre philosophi­e, c’est de brasser des bières accessible­s, agréables à boire autant pour les débutants que pour les initiés au monde des microbrass­eries.» On imagine parfaiteme­nt l’ouvrier de la Montreal Rolling Mills Co. célébrer la fin de son quart de travail avec une Ironworks : soyeuse, légère avec ses 5% d’alcool, aromatisée avec modération aux houblons Cascade, «américain et plus floral, et Tettnanger, un houblon allemand classique, assez herbacé et épicé, que j’aime beaucoup, dit Braden. Je suis un fanatique de lagers allemandes et de pilsners tchèques. C’est un peu ce qu’on a voulu évoquer, mais en brassant avec une levure à ale parce que la levure lager est beaucoup plus longue à produire — nous n’avons pour l’instant que quatre fermenteur­s. »

La Microbrass­erie 4 Origines proposera deux de ses recettes au festival Fabriqué à Montréal. Le choix n’est pas encore arrêté, mais le brasseur montréalai­s pique notre curiosité avec la prochaine bière qu’il commercial­isera en canettes, la Saison du cône — clin d’oeil à l’histoire moderne de Montréal… «Une Saison infusée au thé vert, au thé noir et à l’écorce d’orange», comme la couleur des cônes qui pullulent, de Pointe-Saint-Charles à Montréal-Est…

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MICHAEL D’ORNELLAS Le nom 4 Origines rend hommage aux « quatre cultures fondatrice­s du quartier ouvrier — anglaise, irlandaise, écossaise et franco-canadienne —, mais aussi aux origines de l’industrie brassicole montréalai­se ».

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